Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
fougueux Lebas demande la parole pour défendre les triumvirs ; on la lui refuse, et Billaud continue. Il avertit la convention de ses dangers, il attaque Robespierre, désigne ses complices, dénonce sa conduite et ses plans de dictature. Tous les regards sont tournés sur lui. Il les soutient long-temps dans une attitude ferme ; mais enfin il ne peut plus se contenir, et il s’élance à la tribune. Aussitôt le cri de À bas le tyran ! à bas le tyran ! se fait entendre, et l’empêche de parler.
« Je demandais tout-à-l’heure, dit alors Talien, qu’on déchirât le voile. J’aperçois avec plaisir qu’il l’est entièrement ; les conspirateurs sont démasqués, ils seront bientôt anéantis, et la liberté triomphera ! J’ai vu hier la séance des Jacobins, j’ai frémi pour la patrie ! J’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein, si la convention nationale n’avait pas la force de le décréter d’accusation ! » Il sort son poignard, l’agite devant la convention indignée, demande avant tout l’arrestation d’Henriot, la permanence de l’assemblée, et obtient l’une et l’autre au milieu des cris de Vive la république ! Billaud fait décréter aussi d’arrestation trois des plus audacieux complices de Robespierre, Dumas, Boulanger, Dufrèse ; Barrère fait placer la convention sous la garde des sections armées, il rédige une proclamation qui doit être adressée au peuple. Chacun propose une mesure de précaution. Vadier détourne un moment l’attention de l’assemblée des dangers qui la menacent, pour la porter de nouveau sur l’affaire de Catherine Théos. « Ne détournons pas la question de son véritable point, dit Talien. – Je saurai l’y ramener, crie Robespierre, – Occupons-nous du tyran, réplique Talien, et il l’attaque de nouveau et plus vivement.
Robespierre qui avait plusieurs fois essayé de parler, qui montait et descendait l’escalier de la tribune, dont la voix était toujours couverte par les cris à bas le tyran ! et par la sonnette que le président Thuriot agitait sans interruption, Robespierre fait un dernier , effort dans un moment de silence. « Pour la dernière fois, crie-t-il, me donneras-tu la parole, président d’assassins ? » Mais Thuriot continue d’agiter sa sonnette. Robespierre, après avoir tourné ses regards vers les tribunes qui restent immobiles, se dirige vers la droite. « Hommes purs, hommes vertueux, leur dit-il, c’est à vous que j’ai recours ; accordez-moi la parole que les assassins me refusent. » Point de réponse, et le plus grand silence. Alors abattu, il retourne à sa place et tombe sur son siège épuisé de fatigue et de colère. Sa bouche écume, sa voix s’épaissit. « Malheureux, lui dit un montagnard, le sang de Danton t’étouffe ! » On demande son arrestation. Elle est appuyée de toutes parts. Robespierre jeune se lève. « Je suis aussi coupable que mon frère, dit-il, je partage ses vertus, je veux partager son sort. – Je ne veux pas m’associer à l’opprobre de ce décret, ajoute Lebas, je demande aussi mon arrestation. » L’assemblée décrète à l’unanimité l’arrestation des deux Robespierre, de Couthon, de Lebas et de Saint-Just. Ce dernier, après avoir long-temps resté à la tribune, maître de sa figure, était descendu à sa place avec calme ; il y avait soutenu ce long orage sans en paraître troublé. Les triumvirs furent livrés à la gendarmerie qui les emmena aux acclamations générales. Robespierre sortit en disant : « La république est perdue, les brigands triomphent ! » Il était cinq heures et demie, la séance fut suspendue jusqu’à sept heures.
Pendant cette orageuse lutte, les complices, des triumvirs s’étaient réunis à la commune et aux Jacobins. Le maire Fleuriot, l’agent national Payan, le commandant Henriot étaient à l’Hôtel-de-Ville depuis midi. Ils avaient convoqué les officiers municipaux au son de la caisse, espérant que Robespierre serait vainqueur dans l’assemblée, et qu’ils n’auraient besoin ni du conseil général pour décréter l’insurrection, ni des sections pour l’a soutenir. Peu d’heures après, un huissier de la convention étant venu ordonner au maire de se présenter à la barre pour y rendre compte de l’état de Paris : « Va dire à tes scélérats, lui répondit Henriot, que
Weitere Kostenlose Bücher