Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
contre le 31 mai, parce qu’il voulait le régime de la convention, sans les violences et les mesures des partis. Après le 9 thermidor, il blâma l’acharnement déployé contre les chefs du gouvernement révolutionnaire dont il avait été la victime comme l’un des soixante-treize. Il avait obtenu beaucoup d’ascendant à mesure qu’on avançait vers le régime légal. Son attachement éclairé pour la révolution, sa noble indépendance, la sûreté et l’étendue de ses idées, et son imperturbable constance, le rendirent l’un des acteurs les plus influents de cette époque. Il fut le principal auteur de la constitution, de l’an III, et la convention le chargea, avec quelques autres de ses membres, de la défense de la république, dans la crise de vendémiaire.
La réaction continuait de plus en plus ; elle était indirectement favorisée par les membres de la droite, qui, depuis le début de cette assemblée, n’avaient été qu’accidentellement républicains. Ils n’étaient pas disposés à repousser les attaques des royalistes avec la même énergie que celles des révolutionnaires. De ce nombre étaient Boissy-d’Anglas, Lanjuinais, Henri-Larivière, Saladin, Aubry, etc. ; ils formaient dans l’assemblée le noyau du parti sectionnaire. D’anciens et de fougueux Montagnards, tels que Rovère, Bourdon de l’Oise, etc., entraînés par le mouvement contre-révolutionnaire, laissaient prolonger la réaction, sans doute pour faire leur paix avec ceux qu’ils avaient si violemment combattus.
Mais le parti conventionnel, rassuré du côté des démocrates, mit tous ses efforts à empêcher le triomphe des royalistes. Il comprit que le salut de la république dépendait de la formation des conseils, et que les conseils, devant être choisis par la classe moyenne, que dirigeaient des chefs royalistes, seraient contre-révolutionnairement composés. Il lui importait de confier la garde du régime qu’on allait établir à ceux qui étaient intéressés à le défendre. Pour éviter la faute de la constituante, qui s’était exclue de la législature suivante, la convention décida, par un décret, que les deux tiers de ses membres seraient réélus. Par ce moyen, elle s’assura la majorité des conseils, la nomination du directoire ; elle put accompagner dans l’état sa constitution, et la consolider sans secousse. Cette réélection des deux tiers était peu légale, mais elle était politique, et elle pouvait seule sauver la France du régime des démocrates, ou des contre-révolutionnaires. La convention s’accorda une dictature modératrice, par les décrets du 5 et du 13 fructidor, dont l’un établissait la réélection et dont l’autre en fixait le mode. Mais ces deux décrets exceptionnels furent soumis à la ratification des assemblées primaires, en même temps que l’acte constitutionnel.
Le parti royaliste fut pris au dépourvu par les décrets de fructidor. Il espérait entrer dans le gouvernement par les conseils, dans les conseils par les élections, et opérer le changement de régime, lorsqu’il serait constitué en puissance. Il se déchaîna contre la convention. Le comité royaliste de Paris, dont l’agent connu fut le fameux Lemaître, les journalistes, les meneurs des sections, se coalisèrent. Ils n’eurent pas de peine à se donner l’appui de l’opinion, dont ils se faisaient les seuls organes ; ils accusèrent la convention de perpétuer son pouvoir, et d’attenter à la souveraineté du peuple. Les principaux partisans des deux tiers, Louvet, Daunou, Chénier, ne furent point ménagés, et tous les préparatifs d’un grand mouvement eurent lieu. Le faubourg Saint-Germain, naguère désert, se remplissait de jour en jour ; les émigrés arrivaient en foule, et les conjurés, déguisant assez peu leurs desseins, avaient adopté l’uniforme des chouans.
La convention, voyant grossir l’orage, chercha son soutien dans l’armée, qui était alors la classe républicaine, et elle forma un camp sous Paris. Le peuple avait été licencié, et les royalistes s’étaient emparé de la bourgeoisie. Sur ces entrefaites, les assemblées primaires se réunirent, le 20 fructidor, pour délibérer sur l’acte constitutionnel et sur les décrets des deux tiers, qui devaient être adoptés ou rejetés ensemble. La section Lepelletier (anciennement Filles-Saint-Thomas) fut le centre de toutes les autres. Sur sa proposition, on décida que les
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