Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
qui s’était enrôlé dans les armées de l’Europe. Mais, outre les dissidences qui existaient entre les Vendéens et les émigrés, il en existait aussi entre les émigrés d’après la date de leur sortie. Cependant tous ces royalistes d’opinions diverses, n’ayant pas à débattre encore le prix de la victoire, s’entendirent pour attaquer en commun la convention. Les émigrés et les prêtres qui, depuis quelques mois, étaient rentrés en grand nombre, prirent la bannière des sections, bien certains, s’ils l’emportaient au moyen de la classe moyenne, d’établir leur propre gouvernement ; car ils avaient un chef désigné et un but précis, ce que les sectionnaires n’avaient point.
Cette réaction d’un nouveau caractère futcontenue pendant quelque temps à Paris, où la convention, puissance neutre et forte, voulait empêcher également les violences et les usurpations des deux partis. Tout en détruisant la domination des Jacobins, elle réprimait les vengeances des royalistes. Ce fut alors que la plus grande partie de la troupe dorée déserta sa cause ; que les meneurs des sections préparèrent la bourgeoisie à combattre l’assemblée, et que la confédération des journalistes succéda à celle des Jacobins. La Harpe, Richer-de-Serisy, Poncelin, Tronçon-du-Coudray, Marchenna, etc., se firent les organes de cette nouvelle opinion, et furent les clubistes lettrés. Les troupes actives, quoique irrégulières de ce parti, se réunissaient au théâtre Feydeau, au boulevard des Italiens, au Palais-Royal, et faisaient la chasse aux Jacobins en chantant le Réveil du peuple. Le mot de proscription, dans ce temps, était celui de terroriste, au moyen duquel un honnête homme pouvait, en toute conscience, courir sur un révolutionnaire. La classe des terroristes s’étendait au gré des passions des nouveaux réacteurs, qui portaient les cheveux à la victime. Ils étaient armés d’un lourd assommoir, et avaient adopté depuis quelque temps l’habit gris à revers, collet noir ou vert, uniforme des chouans.
Mais cette réaction fut bien plus fougueuse dans les départements où aucune puissance ne put s’interposer pour prévenir le carnage. Il n’y avait là que deux partis, celui qui avait dominé et celui qui avait souffert sous la Montagne. La classe intermédiaire était alternativement gouvernée par les royalistes et par les démocrates. Ceux-ci, présageant les terribles représailles dont ils seraient l’objet en succombant, tinrent tant qu’ils purent, mais leur défaite à Paris entraîna leur chute dans les départements. On vit alors des exécutions de parti semblables à celles des proconsuls du comité de salut public. Le midi fut surtout en proie aux massacres en masse et aux vengeances personnelles. Il s’était organisé des compagnies de Jésus et des compagnies du Soleil, qui étaient royalistes par leur institution, et qui exécutèrent d’épouvantables représailles. À Lyon, à Aix, à Tarascon, à Marseille, on égorgea dans les prisons ceux qui avaient participé au régime précédent. Presque tout le midi eut son 2 septembre. À Lyon, après les premiers massacres des révolutionnaires, les hommes de la compagnie faisaient la chasse à ceux qui n’avaient point été pris, et lorsqu’ils en rencontraient un, sans autre forme que ce seul mot, Voilà un matavon (c’est ainsi qu’ils les appelaient), ils le tuaient et le jetaient dans le Rhône. À Tarascon, on les précipitait du haut de la tour sur un rocher qui bordait le Rhône. Pendant cette terreur en sens inverse, et cette défaite générale du parti révolutionnaire, l’Angleterre et l’émigration tentèrent l’entreprise hardie de Quiberon.
Les Vendéens avaient été épuisés par leurs défaites réitérées, mais ils n’étaient pas entièrement réduits. Cependant leurs pertes, autant que les divisions de leurs deux principaux chefs Charette et Stofflet, les rendaient d’un bien faible secours. Charette avait même consenti à traiter avec la république, et une sorte de pacification avait été conclue à Jusnay entre lui et la convention. Le marquis de Puisaye, homme entreprenant mais léger, et plus capable d’intrigues que de fortes conceptions de parti, avait eu le dessein de remplacer l’insurrection presque éteinte de la Vendée par celle de la Bretagne. Il existait déjà dans le Morbihan des bandes de chouans, composées de restes de partis, d’hommes déplacés
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