Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
et aventureux, de hardis contrebandiers, qui faisaient des expéditions, mais qui ne pouvaient pas tenir la campagne comme les Vendéens. Puisaye recourut à l’Angleterre pour étendre la chouanerie, il lui fit espérer un soulèvement général dans la Bretagne, et de là dans le reste de la France, si l’on débarquait un noyau d’armée, des munitions et des fusils.
Le ministère britannique, déçu du côté de la coalition, ne demandait pas mieux que de créer de nouveaux périls à la république, en attendant de ranimer le courage de l’Europe. Il prépara donc une expédition dont firent partie les émigrés les plus énergiques, presque tous les officiers de l’ancienne marine, et tous ceux qui, las du rôle d’exilés, et des douleurs d’une vie errante, voulurent tenter une dernière fois la fortune. La flotte anglaise déposa dans la presqu’île de Quiberon, quinze cents émigrés, six mille prisonniers républicains enrôlés sous l’émigration pour rentrer en France ; soixante mille fusils et un équipement complet, pour une armée de quarante mille hommes. Quinze cents chouans se joignirent à l’armée de débarquement, qui fut bientôt attaquée par le général Hoche. Les républicains parvinrent à la tourner, les prisonniers l’abandonnèrent, et elle fut vaincue après la plus vive résistance. Dans la guerre à mort de l’émigration et de la république , les vaincus furent traités comme étant hors la loi, et impitoyablement massacrés. Leur perte fut une plaie profonde et incurable pour l’émigration.
Les espérances fondées sur les victoires de l’Europe, sur les progrès de l’insurrection et la tentative des émigrés, se trouvant renversées, on recourut aux sections mécontentes. On espéra faire la contre-révolution, au moyen de la constitution nouvelle. Cette constitution était cependant l’œuvre du parti modéré républicain. Mais comme elle redonnait l’ascendant à la classe moyenne, les meneurs royalistes crurent entrer facilement par elle dans le corps législatif et dans le gouvernement.
Cette constitution était la meilleure, la plus sage, la plus libérale et la plus prévoyante qu’on eût encore établie où projetée : elle était le résultat de six années d’expérience révolutionnaire et législative. La convention éprouvait à cette époque le besoin d’organiser le pouvoir, et de rasseoir le peuple, à la différence de la première assemblée, qui, par sa situation, n’avait ressenti que le besoin d’affaiblir la royauté et de remuer la nation. Tout avait été usé depuis le trône jusqu’au peuple : il fallait vivre aujourd’hui en reconstruisant, et rétablir l’ordre, tout en conservant un immense exercice à la nation. C’est ce que fit la constitution nouvelle. Elle s’éloigna peu de celle de 1791, quant à l’exercice de la souveraineté ; mais elle en différa beaucoup dans tout ce qui est relatif au gouvernement. Elle plaça le pouvoir législatif dans deux conseils : celui des cinq cents et celui des anciens ; le pouvoir exécutif, dans un directoire de cinq membres. Elle rétablit les deux degrés d’élection destinés à ralentir le mouvement populaire, et à donner des choix plus éclairés que les élections immédiates. Des conditions de propriété, sages mais bornées, pour être membres des assemblées primaires et des assemblées électorales, redonnèrent l’importance politique à la classe moyenne, à laquelle il fallait forcément revenir après le licenciement de la multitude et l’abandon de la constitution de 93.
Afin de prévenir le despotisme ou l’asservissement d’une seule assemblée, on voulut placer quelque part la puissance de l’arrêter ou de la défendre. La division du corps législatif en deux conseils qui avaient la même origine, la même durée, et dont les fonctions seules étaient différentes, atteignit le double but de ne point effaroucher le peuple par une institution aristocratique, et de contribuer à la formation d’un bon gouvernement. Le conseil des cinq cents dont les membres durent être âgés de trente ans, eut seul l’initiative et la discussion des lois. Le conseil des anciens, composé de deux cent cinquante membres, âgés de quarante ans accomplis, fut chargé de les admettre ou de les rejeter.
Pour éviter la précipitation des mesures législatives, et afin que, dans un moment d’effervescence populaire, on ne forçât point la
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