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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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propositions et par la mise hors la loi, qu’il crut adoptée comme les autres, quitta le fauteuil, monta à la tribune, et dit, dans la plus grande agitation   : « Puisque je n’ai pu me faire entendre dans cette enceinte, je dépose, avec un sentiment profond de dignité outragée, les marques de la magistrature populaire ». Il se dépouilla, en même temps, de sa toque, de son manteau et de son écharpe.
    Cependant Bonaparte avait eu quelque peine, au sortir du conseil des cinq-cents, à se remettre de son trouble. Peu accoutumé aux scènes populaires, il était vivement ébranlé. Ses officiers l’entourèrent   ; et Sièyes, qui avait plus d’habitude révolutionnaire, conseilla de ne point perdre de temps, et d’employer, la force. Le général Lefebvre donna aussitôt l’ordre d’enlever Lucien du conseil. Un détachement entra dans la salle, se dirigea vers le fauteuil, qu’occupait de nouveau Lucien, le prit dans ses rangs, et retourna avec lui au milieu des troupes. Dès que Lucien fut sorti, il monta à cheval à côté de son frère, et, quoique dépouillé de son caractère légal, il harangua les troupes comme président. De concert avec Bonaparte, il inventa la fable, si répétée depuis, des poignards levés sur le général dans le conseil des cinq-cents, et il s’écria   : « Citoyens soldats, le président du conseil des cinq-cents vous déclare que l’immense majorité de ce conseil est dans ce moment sous la terreur de quelques représentants à stylets qui assiègent la tribune, présentent la mort à leurs collègues, et enlèvent les délibérations les plus affreuses   !… Général, et vous, soldats, et vous tous, citoyens, vous ne reconnaîtrez pour législateurs de la France, que ceux qui vont se rendre auprès de moi   ! Quant à ceux qui resteraient dans l’orangerie, que la force les expulse. Ces brigands ne sont plus représentants du peuple, mais les représentants du poignard ». Après cette furieuse provocation adressée aux troupes, par un président conspirateur, qui, selon l’usage, calomniait ceux qu’il voulait proscrire, Bonaparte prit la parole   : « Soldats, dit-il, je vous ai menés à la victoire, puis-je compter sur vous   ? – Oui   ! oui   ! vive le général   ! – Soldats, on avait lieu de croire que le conseil des cinq-cents sauverait la patrie   ; il se livre, au contraire, à des déchirements   ; des agitateurs cherchent à le soulever contre moi   ! Soldats, puis-je compter sur vous   ? – Oui   ! oui   ! vive Bonaparte   ! – Eh bien   ! je vais les mettre à la raison ». Il donna aussitôt à quelques officiers supérieurs qui l’entouraient l’ordre de faire évacuer la salle des cinq-cents.
    Le conseil, depuis le départ de Lucien, était en proie à une anxiété extrême, et à la plus grande irrésolution. Quelques membres proposaient de sortir en masse et d’aller à Paris chercher abri au milieu du peuple. D’autres voulaient que la représentation nationale n’abandonnât point son poste, et qu’elle y bravât les outrages de la force. Sur ces entrefaites une troupe de grenadiers entre dans la salle, y pénètre lentement, et l’officier qui la commandait notifie au conseil l’ordre de se disperser. Le député Prudhon rappelle l’officier et ses soldats au respect des élus du peuple   ; le général Jourdan leur fait envisager aussi l’énormité d’un pareil attentat. Cette troupe reste un moment indécise, mais un renfort entre en colonne serrée. Le général Leclerc s’écrie   : « Au nom du général Bonaparte, le corps législatif est dissous, que les bons citoyens se retirent. Grenadiers, en avant ». Des cris d’indignation s’élèvent de tous les bancs de la salle, mais ils sont étouffés par le bruit des tambours. Les grenadiers s’avancent dans toute la largeur de l’orangerie, avec lenteur et en présentant la baïonnette. Ils chassent ainsi devant eux les législateurs, qui font entendre encore en sortant le cri de vive la république   ! À cinq heures et demie, le 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799), il n’y eut plus de représentation.
    Ainsi fut consommée cette dernière violation de la loi, ce dernier coup d’état contre la liberté. La force brutale commença sa domination. Le 18 brumaire fut le 31 mai de l’armée contre la représentation, si ce n’est qu’il ne fut pas dirigé contre un parti, mais contre la puissance populaire. Il devint le

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