Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
en ce qu’ils s’adressèrent à des sentiments nouveaux dans la nation. Jusque-là, on l’avait appelée aux armes pour la défense de la liberté ; on commença à l’exciter alors au nom de l’honneur. « Français, vous désirez la paix. Votre gouvernement la désire avec plus d’ardeur encore : ses premiers vœux, ses démarches constantes, ont été pour elle. Le ministère anglais la repousse ; le ministère anglais a trahi le secret de son horrible politique. Déchirer la France, détruire sa marine et ses ports, l’effacer du tableau de l’Europe, ou l’abaisser au rang des puissances secondaires ; tenir toutes les nations du continent divisées, pour s’emparer du commerce de toutes et s’enrichir de leurs dépouilles : c’est pour obtenir ces affreux succès que l’Angleterre répand l’or, prodigue les promesses, multiplie les intrigues. C’est à vous de commander la paix ; pour la commander il faut de l’argent, du fer et des soldats ; que tous s’empressent de payer le tribut qu’ils doivent à la défense commune ! que les jeunes citoyens se lèvent ! ce n’est plus pour des factions ; ce n’est plus pour le choix des tyrans qu’ils vont s’armer, c’est pour la garantie de ce qu’ils ont de plus cher ; c’est pour l’honneur de la France, c’est pour les intérêts sacrés de l’humanité ! »
La Hollande et la Suisse avaient été mises à l’abri de l’invasion dans la campagne précédente. Le premier consul réunit toutes les forces de la république sur le Rhin et aux Alpes. Il donna le commandement de l’armée du Rhin à Moreau, et marcha lui-même en Italie. Il partit le 16 floréal an VIII (6 mai 1800) pour cette brillante campagne, qui ne dura que quarante jours. Il lui importait de ne pas rester long-temps éloigné de Paris au début de son pouvoir, et surtout de ne pas laisser la guerre indécise. Le feld-maréchal Mélas avait cent trente mille hommes sous les armes ; il occupait l’Italie entière. L’armée républicaine qui lui était opposée, ne s’élevait pas à quarante mille hommes. Il laissa le feld-maréchal-lieutenant Ott avec trente mille hommes devant Gènes, et marcha contre le corps du général Suchet. Il entra dans Nice, sedisposa à passer le Var et à pénétrer en Provence. Ce fut alors que Bonaparte franchit le grand Saint-Bernard, à la tête d’une armée de réserve de quarante mille hommes ; descendit en Italie, sur les derrières de Mêlas, entra dans Milan le 16 prairial (2 juin), et plaça les Autrichiens entre Suchet et lui. Mélas, dont la ligne d’opération se trouvait coupée, revint promptement sur Nice, et de là sur Turin ; il établit son quartier général à Alexandrie et se décida à renouer ses communications par une bataille. Il y eut, le 9 juin, à Montébello, une victoire d’avant-garde glorieuse pour les républicains, et dont le général Lanues eut le principal honneur. Mais ce fut le 14 juin (25 prairial) que se décida le sort de l’Italie dans la plaine de Marengo : les Autrichiens furent écrasés. N’ayant pas pu forcer le passage de la Bormida par une victoire, ils se trouvèrent sans retraite entre l’armée de Suchet et celle du premier consul. Le 15, ils obtinrent de retourner derrière Mantoue, en remettant toutes les places du Piémont, de la Lombardie, des légations ; et la victoire de Marengo valut ainsi la possession de l’Italie entière. Dix-huit jours après, Bonaparte fut de retour à Paris. On le reçut avec tous les témoignages d’admiration qu’excitaient une si prodigieuse activité et des victoires si décisives. L’enthousiasme fut universel ; il y eut une illumination spontanée, et la foule se porta aux Tuileries pour le voir. Ce qui redoubla la joie publique, ce fut l’espérance d’une prochaine pacification. Le premier consul assista, le 25 messidor, à la fête anniversaire du 14 juillet. Lorsque les officiers lui présentèrent les drapeaux enlevés à l’ennemi, il leur dit : « De retour dans les camps, dites aux soldats que pour l’époque du 1 er vendémiaire, où nous célébrerons l’anniversaire de la république, le peuple français attend, ou la publication de la paix, ou, si l’ennemi y mettait des obstacles invincibles, de nouveaux drapeaux, fruit de nouvelles victoires. » Mais la paix se fit attendre un peu plus de temps encore.
Dans l’intervalle de la victoire de Marengo à la
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