Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
continent, en déposant les armes, força l’Angleterre à une paix momentanée. Pitt, Dundas et lord Grenville, qui avaient entretenu ces sanglantes divisions, sortirent du ministère au moment où leur système cessa de pouvoir être suivi. L’opposition anglaise les y remplaça ; et, le 25 mars 1802, le traité d’Amiens acheva la pacification du monde. L’Angleterre consentit à toutes les acquisitions continentales de la république française, reconnut l’existence des républiques secondaires, et restitua nos colonies.
Pendant la guerre maritime avec l’Angleterre, la marine française avait été presque entièrement ruinée. Trois cent quarante vaisseaux avaient été pris ou détruits, et la plupart des colonies étaient tombées entre les mains des Anglais. Celle de Saint-Domingue, la plus importante de toutes, après avoir secoué le joug des blancs, avait continué cette révolution américaine qui, commencée par les colonies d’Angleterre, devait finir par celles de l’Espagne, et rendre le nouveau monde indépendant de l’ancien. À cette époque, les noirs de Saint-Domingue voulurent maintenir, à l’égard de la métropole, leur affranchissement, qu’ils avaient conquis sur les colons, et su défendre contre les Anglais. Ils avaient à leur tête un des leurs, le fameux Toussaint-Louverture. La France devait consentir à cette révolution, déjà assez coûteuse à l’humanité. Le gouvernement métropolitain ne pouvait plus être rétabli à Saint-Domingue ; et il fallait, en resserrant les liens commerciaux avec cette ancienne colonie, se donner les seuls avantages réels que l’Europe puisse retirer aujourd’hui de l’Amérique. Au lieu de cette politique prudente, Bonaparte tenta une expédition afin de soumettre l’île. Quarante mille hommes furent embarqués pour cette entreprise désastreuse. Il était impossible que les noirs résistassent d’abord à une pareille armée ; mais, après les premières victoires, elle fut atteinte par le climat, et de nouvelles insurrections assurèrent l’indépendance de la colonie. La France essuya la double perte d’une armée, et de relations commerciales avantageuses.
Bonaparte, qui avait eu jusque-là pour but principal la fusion des partis, tourna alors toute son attention vers la prospérité intérieure de la république et l’organisation du pouvoir. Les anciens privilégiés de la noblesse et du clergé étaient rentrés dans l’état, sans former des classes particulières. Les prêtres réfractaires, moyennant un serment d’obéissance, pouvaient exercer leur culte et touchaient leurs pensions du gouvernement. Un acte d’amnistie avait été porté en faveur des prévenus d’émigration : il ne restait plus qu’une liste de mille noms pour ceux qui demeuraient attachés à la famille et aux droits du prétendant. L’œuvre de la pacification était terminée. Bonaparte, sachant que le plus sûr moyen de commander à une nation est d’augmenter son bien-être, excita le développement de l’industrie, et favorisa le commerce extérieur si long-temps interrompu. Il joignait à ses motifs politiques, des vues plus élevées, et il attachait sa gloire à la prospérité de la France ; il parcourut les départements, fit creuser des canaux et des ports, construire des ponts, réparer les routes, élever des monuments, multiplier les communications. Il tint surtout à se montrer le protecteur et le législateur des intérêts privés. Les codes civil, pénal, de commerce, qu’il fit entreprendre, soit à cette époque, soit un peu plus tard, complétèrent à cet égard l’œuvre de la révolution, et réglèrent l’existence intérieure de la nation, d’une manière à peu près conforme à son état réel. Malgré le despotisme politique, la France eut, pendant la domination de Bonaparte, une législation privée, supérieure à celle de toutes les sociétés européennes qui, avec le gouvernement absolu, conservaient l’état civil du moyen âge. La paix générale, la tolérance commune, le retour de l’ordre, et la création du système administratif, changèrent en peu de temps la face de la république. La civilisation se développa d’une manière extraordinaire ; et le consulat fut, sous ce rapport, la période renforcée du directoire, depuis son début jusqu’au 18 fructidor.
C’est surtout après la paix d’Amiens que Bonaparte jeta les fondements de sa puissance future. Il dit
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