Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
précéda le roi dans la capitale. Elle fut accueillie avec enthousiasme. Bailly et La Fayette qui en faisaient partie, furent nommés, l’un maire de Paris, l’autre commandant de la garde bourgeoise. Ils durent ces récompenses populaires, Bailly à sa longue et difficile présidence de l’assemblée, La Fayette à sa glorieuse conduite dans les deux mondes. Ce dernier, ami de Washington, et l’un des principaux auteurs de l’indépendance américaine, de retour dans sa patrie, avait prononcé le premier le nom des états-généraux, s’était réuni à l’assemblée avec la minorité de la noblesse, et s’était montré depuis undes plus zélés partisans de la révolution.
Les deux nouveaux magistrats allèrent, le dix-sept, recevoir le roi, à la tête de la municipalité et de la garde parisienne. – « Sire, lui dit Bailly, j’apporte, à votre majesté les clefs de sa bonne ville de Paris : ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV ; il avait reconquis son peuple, ici le peuple a reconquis son roi. » De la place Louis XV à l’Hotel-de-Ville, le roi traversa une haie de garde nationale, placée sur trois ou quatre rangs, armée de fusils, de piques, de lances, de faulx, et de bâtons. Les visages avaient encore quelque chose de sombre, et on ne faisait entendre que le cri souvent répété de Vive la nation ! Mais quand Louis XVI fut descendu de voiture, qu’il eut reçu des mains de Bailly la cocarde tricolore, et que sans gardes, entouré de la foule, il fut entré avec confiance dans l’Hôtel-de-Ville, des applaudissements et des cris de Vive le roi ! éclatèrent de toutes parts. La réconciliation fut entière, Louis XVI reçut les plus grands témoignages d’amour. Après avoir sanctionné les nouvelles magistratures, et après avoir approuvé le choix du peuple, il repartit pour Versailles, où l’on n’était pas sans inquiétude pour son voyage à cause des troubles précédents. L’assemblée nationale l’attendait dans l’avenue de Paris, elle l’accompagna jusqu’au château où la reine avec ses enfants vint se jeter dans ses bras.
Les ministres contre-révolutionnaires, et tous les auteurs des desseins qui venaient de manquer, quittèrent la cour. Le comte d’Artois, le prince de Condé, le prince de Conti, la famille Polignac, sortirent de France et commencèrent la première émigration. Necker revint en triomphe ; ce moment fut le plus beau de sa vie, et il est peu d’hommes qui en aient eu de semblables. Ministre de la nation, disgracié pour elle, rappelé à cause d’elle, il recueillit sur sa route, de Baie à Paris, les témoignages de la reconnaissance et de l’ivresse publique. Son entrée dans Paris fut un jour de fête. Mais ce jour, qui fut pour lui le comble de la popularité, en devint aussi le terme. La multitude, toujours agitée et toujours furieuse contre ceux qui avaient trempé dans les projets du 14juillet, avait fait périr avec un acharnement que rien n’avait pu fléchir, Foulon, ministre désigné, et son neveu Berthier. Indigné de ces exécutions, craignant que d’autres n’en devinssent les victimes, et voulant surtout sauver le baron de Besenval, commandant de l’armée de Paris sous le maréchal de Broglie, et qui était retenu prisonnier, Necker demanda une amnistie générale, et l’obtint de l’assemblée des électeurs. Cette démarche était imprudente, dans ce moment de défiance et d’exaltation. Necker ne connaissait pas le peuple, il ne savait point avec quelle facilité il soupçonne ses chefs et brise ses idoles. Celui-ci crut qu’on voulait soustraire ses ennemis aux peines qu’ils avaient encourues ; les districts s’assemblèrent, l’illégalité de l’amnistie, prononcée par une assemblée sans mission, fut vivement attaquée, et les électeurs eux-mêmes la révoquèrent. Sans doute il fallait conseiller le calme au peuple, et le rappeler à la miséricorde ; mais le meilleur moyen était de demander, au lieu de l’élargissement des accusés, un tribunal qui les enlevât à la juridiction meurtrière de la multitude. Dans certains cas ce qui est le plus humain n’est pas ce qui le paraît le plus. Necker, sans rien obtenir, déchaîna le peuple contre lui, les districts contre les électeurs ; il commença dès-lors à lutter avec la révolution, dont il croyait pouvoir se rendre le maître, parce qu’il en avait été un instant le héros. Mais il se détrompa
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