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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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bien vite. Un homme est bien peu de chose pendant une révolution qui remue les masses   ; le mouvement l’entraîne ou l’abandonne, il faut qu’il précède ou qu’il succombe. Dans aucun temps, on n’aperçoit plus clairement la subordination des hommes aux choses   : les révolutions emploient beaucoup de chefs, et ne se donnent qu’à un seul.
    Les suites du 14 juillet furent immenses. Le mouvement de Paris se communiqua aux provinces   : partout le peuple, à l’imitation de celui de la capitale, s’organisa en municipalités pour se régir, et en gardes nationales pour se défendre. L’autorité ainsi que la force se déplacèrent entièrement   : la royauté les avait perdues par sa défaite, et la nation les avait conquises   ; les nouveaux magistrats étaient seuls puissants et seuls obéis, les anciens étant devenus l’objet de la défiance. Dans les villes on se déchaînait contre eux, et contre les privilégiés qu’on supposait, non sans raison, ennemis du changement qui venait de s’opérer. Dans les campagnes on incendiait les châteaux, et les paysans brûlaient les titres de leurs seigneurs. Il est bien difficile que dans un moment de victoire on n’abuse pas de la puissance. Mais il importait, pour apaiser le peuple, de détruire les abus, afin qu’en voulant s’y soustraire, il ne confondît point les privilèges avec les propriétés   : les ordres avaient disparu, l’arbitraire était détruit   ; leur ancien accompagnement, l’inégalité devait être supprimée. C’est par là qu’il fallait procéder à l’établissement de l’ordre nouveau   ; ces préliminaires furent l’œuvre d’une seule nuit.
    L’assemblée avait adressé au peuple des proclamations propres à rétablir le calme. L’érection du Châtelet en tribunal chargé de juger les conspirateurs du 14 juillet, avait aussi contribué à ramener l’ordre en satisfaisant la multitude. Il restait à prendre une mesure plus importante, celle de l’abolition des privilèges. Le soir du 4 août, le vicomte de Noailles en donna le signal   ; il proposa le rachat des droits féodaux, et la suppression des servitudes personnelles. Cette motion commença les sacrifices de tous les privilégiés   : il s’établit entre eux une rivalité d’offrandes et de patriotisme. L’entraînement devint général   ; en quelques heures on décréta la cessation de tous les abus. Le duc du Châtelet proposa le rachat des dîmes, et leur changement en taxe pécuniaire   ; l’évêque de Chartres, la suppression du droit exclusif de chasse   ; le comte de Virieu, celle des fuïes et des colombiers   ; et successivement l’abolition des justices seigneuriales, celles de la vénalité des charges de la magistrature, celle des immunités pécuniaires, et de l’inégalité des impôts, celle du casuel des curés, des annates de la cour de Rome, de la pluralité des bénéfices, des pensions obtenues sans titres, furent proposées et admises. Après les sacrifices des particuliers vinrent ceux des corps, des villes et des provinces. Les jurandes et les maîtrises furent abolies. Un député du Dauphiné, le marquis de Blacons, prononça en son nom une renonciation solennelle de ses privilèges. Les autres provinces imitèrent le Dauphiné, et les villes suivirent l’exemple des provinces. Une médaille fut frappée pour éterniser la mémoire de ce jour, et l’assemblée décerna à Louis XVI le titre de Restaurateur de la liberté française.
    Cette nuit, qu’un ennemi de la révolution appela dans le temps la Saint-Barthélemi (1) des propriétés, ne fut que la Saint-Barthélemi des abus. Elle déblaya les décombres de la féodalité   : elle délivra les personnes des restes de la servitude, les terres des dépendances seigneuriales, les propriétés roturières des ravages du gibier et de l’exaction des dîmes. En détruisant les justices seigneuriales, restes des pouvoirs privés, elle conduisit au régime des pouvoirs publics   ; en détruisant la vénalité des charges de la magistrature, elle présagea la justice gratuite. Elle fut le passage d’un ordre de choses où tout appartenait aux particuliers, à un autre où tout devait appartenir à l’état. Cette nuit changea la face du royaume, elle rendit tous les Français égaux, ils purent tous parvenir aux emplois, aspirer à la propriété, et exercer l’industrie   : enfin cette nuit fut une révolution aussi importante que le

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