Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
soulèvement du 14 juillet, dont elle était la conséquence. Elle rendit le peuple maître de la société comme l’autre l’avait rendu maître du gouvernement, et elle lui permit de préparer la nouvelle constitution en détruisant l’ancienne.
La révolution avait eu une marche bien rapide, et avait obtenu en peu de temps de bien grands résultats ; elle eût été moins prompte et moins complète si elle n’eût pas été attaquée. Chaque refus devint pour elle l’occasion d’un succès : elle déjoua l’intrigue, résista à l’autorité, triompha de la force ; et, au moment où nous sommes parvenus, tout l’édifice de la monarchie absolue avait croulé par la faute de ses chefs. Le 17 juin avait vu disparaître les trois ordres, et les états-généraux se changer en assemblée de la nation ; le 23 juin avait été le terme de l’influence morale de la royauté ; le 14 juillet, celui de sa puissance matérielle, l’assemblée avait hérité de l’une, et le peuple de l’autre ; enfin le 4 août avait été le complément de cette première révolution. L’époque que nous venons de parcourir se détache des autres d’une manière saillante : pendant sa courte durée la force se déplace, et tous les changements préliminaires s’accomplissent. L’époque qui suit est celle où le nouveau régime se discute, s’établit, et où l’assemblée, après avoir été destructrice, devient constituante.
CHAPITRE II
État de l’assemblée constituante. – Parti du haut clergé et de la noblesse ; Maury et Cazalès. – Parti du ministère et des deux chambres ; Mounier, Lally-Tollendal. – Parti populaire ; triumvirat de Barnave, Duport et Lameth, sa position ; influence de Sièyes ; Mirabeau chef de l’assemblée à cette époque. – Ce qu’il faut penser du parti d’Orléans. Travaux constitutionnels : déclaration des droits ; permanence et unité du corps législatif ; sanction royale, agitation extérieure qu’elle cause. – Projet de la cour, repas des gardes-du-corps, insurrection du 5 et 6 octobre ; le roi vient habiter Paris.
L’assemblée nationale, composée de l’élite de la nation, était pleine de lumières, d’intentions pures et de vues de bien public ; elle n’était pourtant pas sans partis, ni sans dissidence : mais la masse n’était sous l’empire, ni d’une idée, ni d’un homme, et ce fut elle qui, d’après une conviction toujours libre, souvent spontanée, décida des délibérations et décerna la popularité. Voyons quelles étaient, au milieu d’elles, les divisions de vues et d’intérêts.
La cour avait dans l’assemblée un parti, celui des privilégiés, qui garda quelque temps le silence, et qui ne prit qu’une part tardive aux discussions. Ce parti était composé de ceux qui, à l’époque de la dispute des ordres, s’étaient déclarés contre la réunion. Malgré leur accord momentané avec les communes dans les dernières circonstances, les classes aristocratiques avaient des intérêts contraires à ceux du parti national. Aussi la noblesse et le haut clergé, qui formèrent la droite de l’assemblée, furent en opposition constante avec lui, excepté dans certains jours d’entraînement. Ces mécontents de la révolution, qui ne surent ni l’empêcher par leurs sacrifices, ni l’arrêter par leur adhésion, combattirent d’une manière systématique toutes ses réformes. Ils avaient pour principaux organes deux hommes qui n’étaient point parmi eux les premiers en naissance ni en dignités, mais qui avaient la supériorité du talent. Maury et Cazalès représentèrent en quelque sorte, l’un le clergé, l’autre la noblesse.
Ces deux orateurs des privilégiés, suivant les intentions de leur parti, qui ne croyait pas à la durée des changements, cherchaient moins à se défendre qu’à protester ; et dans toutes leurs discussions ils eurent pour but, non d’instruire l’assemblée, mais de la déconsidérer. Chacun d’eux mit dans son rôle la tournure de son esprit et de son caractère ; Maury fit de longues oraisons, Cazalès de vives sorties. Le premier conservait à la tribune ses habitudes de prédicateur et d’académicien ; il discourait sur les matières législatives sans les comprendre, ne saisissant jamais le point véritable d’une question, ni même le point avantageux pour son parti ; montrant de l’audace, de
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