Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
: malgré le dévouement et la prévoyance du comité chargé des approvisionnements, des attroupements journaliers menaçaient la tranquillité publique. Le peuple, si facile à tromper lorsqu’il souffre, égorgea un boulanger nommé François, qui lui fut injustement désigné comme un accapareur. On proclama alors la loi martiale, qui autorisait la municipalité à faire usage de la force pour dissiper les attroupements, après avoir sommé les citoyens de se retirer. La puissance était entre les mains d’une classe intéressée à l’ordre : les communes et les gardes nationales étaient soumises à l’assemblée, l’obéissance à la loi étant la passion de cette époque. Les députés, de leur côté, n’aspiraient plus qu’à achever la constitution, et à effectuer la réorganisation de l’état. Ils avaient d’autant plus besoin de se hâter que les ennemis de l’assemblée se servirent de ce qui restait de l’ancien régime, pour lui susciter des embarras ; aussi répondit-elle à chacune de leurs tentatives par un décret qui, en changeant l’ancien ordre des choses, les priva d’un de leurs moyens d’attaque.
Elle commença par distribuer le royaume d’une manière plus égale et plus régulière. Les provinces, qui avaient vu avec regret la perte de leurs privilèges, formaient de petits états, dont l’étendue était trop vaste, et l’administration trop indépendante : il importait de réduire leur dimension, de changer leurs noms et de les soumettre au même régime. L’assemblée adopta à cet égard le projet conçu par Sièyes et présenté par Thouret au nom d’un comité qui s’occupa sans relâche de cette matière pendant deux mois.
La France fut divisée en quatre-vingt-trois départements, à peu près égaux en étendue et en population ; le département fut divisé en districts, le district en cantons. On régla leur administration d’une manière uniforme et hiérarchique. Le département eut un conseil administratif composé de trente-six membres, et un directoire exécutif, composé de cinq : comme le nom l’indique, les fonctions de l’un furent de décider, celles de l’autre d’agir. Le district fut organisé de même : quoique sur un plus petit pied, il eut un conseil et un directoire, qui furent moins nombreux, et qui relevèrent du conseil et du directoire supérieurs. Le canton, composé de cinq ou six paroisses, fut une division électorale, et non administrative ; les citoyens actifs, et pour être tel il fallait payer une contribution équivalente à trois journées de travail, se réunirent au canton pour nommer leurs députés et leurs magistrats. Tout dans le nouveau plan fut soumis à l’élection ; mais celle-ci eut plusieurs degrés. Il paraissait imprudent de confier à la multitude le choix de ses délégués, et illégal de ne pas l’y faire concourir : on échappa à cette difficulté par la double élection. Les citoyens actifs du canton désignèrent des électeurs chargés de nommer les membres de l’assemblée nationale, les administrateurs du département, ceux du district, et les juges des tribunaux. On établit un tribunal criminel pour tout le département, un tribunal civil pour chaque district, et un tribunal de paix pour chaque canton.
Telle fut l’institution du département : il restait à régler celle de la commune. L’administration de cette dernière fut confiée à un conseil général et à une municipalité, composés de membres dont le nombre fut proportionné à la population des villes. Les officiers municipaux furent nommés immédiatement par le peuple, et purent seuls requérir l’action de la force armée. La commune forma le premier degré de l’association, le royaume en forma le dernier ; le département servit d’intermédiaire entre la commune et l’état, entre les intérêts universels et les intérêts purement locaux.
L’exécution de ce plan, qui organisait la souveraineté du peuple, qui faisait concourir tous les citoyens à l’élection de leurs magistrats, qui leur confiait leur propre administration, et les distribuait dans des cadres qui, en permettant à l’état entier de se mouvoir, maintenaient la correspondance dans ses parties et prévenaient leur isolement, excita le mécontentement de quelques provinces. Les états du Languedoc et de Bretagne protestèrent contre la nouvelle division du royaume ; et de leur côté les parlements de
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