Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
! devient général. Les femmes partirent les premières sous la conduite de Maillard, un des volontaires de la Bastille. Le peuple, la garde nationale, les gardes-francaises demandaient à les suivre ; le commandant La Fayette s’opposa long-temps au départ, mais ce fut vainement, et ni ses efforts, ni sa popularité, ne purent triompher de l’obstination de la multitude. Pendant sept heures il la harangua et la retint. Enfin, impatiente de tant de retards, méconnaissant sa voix, elle allait se mettre en marche sans lui, lorsque sentant que son devoir était de la conduire comme il avait été d’abord de l’arrêter, il obtint de la commune l’autorisation du départ, et il en donna le signal vers sept heures du soir.
À Versailles l’agitation était moins impétueuse mais aussi réelle : la garde nationale et l’assemblée étaient inquiètes et irritées. Le double repas des gardes-du-corps, l’approbation que venait de lui donner la reine en disant : « J’ai été enchantée de la journée de jeudi ; » le refus du roi d’accepter simplement les droits de l’homme, ses temporisations concertées, et le défaut de subsistances excitaient les alarmes des représentants du peuple et les remplissaient de soupçons. Pétion ayant dénoncé les repas des gardes, fut sommé par un député royaliste de développer sa dénonciation, et de faire connaître les coupables. « Que l’on déclare expressément que tout ce qui n’est pas le roi est sujet et responsable, s’écria vivement Mirabeau, et je fournirai des preuves.» Ces paroles, qui désignaient la reine, forcèrent le côté droit au silence. Cette discussion hostile avait été précédée et fut suivie de discussions non moins animées sur le refus de sanction et sur la disette de Paris. Enfin une députation venait d’être envoyée au roi, pour lui demander l’acceptation pure et simple des droits de l’homme et pour le conjurer de faciliter l’approvisionnement de la capitale de tout son pouvoir, lorsqu’on annonça l’arrivée des femmes conduites par Maillard.
Leur apparition inattendue, car elles avaient arrêté tous les courriers qui auraient pu l’annoncer, excita l’effroi de la cour. Les troupes de Versailles prirent les armes et entourèrent le château ; mais les dispositions des femmes n’étaient point hostiles. Maillard, leur chef, les avait décidées à se présenter en suppliantes, et c’est dans cette attitude qu’elles exposèrent successivement leurs griefs à l’assemblée et au roi. Aussi, les premières heures de cette tumultueuse soirée furent assez calmes ; mais il était impossible que des causes de trouble et d’hostilité ne survinssent pas entre cette troupe désordonnée, et les gardes-du-corps, objet de tant d’irritation. Ceux-ci étaient placés dans la cour du château, en face de la garde nationale et du régiment de Flandre. L’intervalle qui les séparait était rempli de femmes et de volontaires de la Bastille. Au milieu de la confusion, suite inévitable d’un pareil rapprochement, une rixe s’engagea : ce fut le signal du désordre et du combat. Un officier des gardes frappa de son sabre un soldat parisien, et fut en retour atteint d’un coup de feu au bras. La garde nationale prit parti contre les gardes-du-corps ; la mêlée devint assez vive, et aurait été sanglante sans la nuit, le mauvais temps, et l’ordre que les gardes-du-corps reçurent d’abord de cesser le feu, puis de se retirer. Mais comme on les accusait d’avoir été les agresseurs, l’acharnement de la multitude fut quelque temps extrême ; elle fit une irruption dans leur hôtel : deux d’entre eux furent blessés, et un autre fut sauvé avec peine.
Pendant ce désordre, la cour était consternée, la fuite du roi était mise en délibération, des voitures étaient prêtes ; un piquet de garde nationale les aperçut à la grille de l’orangerie, et les fit rentrer après avoir fermé la grille. D’ailleurs le roi, soit qu’il eût ignoré jusque-là les desseins de la cour, soit qu’il ne les crût plus praticables, refusa de s’évader. Des craintes se mêlaient à ses intentions pacifiques, lorsqu’il ne voulait pas repousser l’agression ou prendre la fuite. Vaincu, il redoutait le même sort que Charles I er en Angleterre ; absent, il craignait que le duc d’Orléans n’obtînt la lieutenance du royaume. Mais sur ces entrefaites la pluie, la
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