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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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d’argent, livrée au désordre, lasse de l’assemblée, disposée à l’ancien régime, et elle n’avait ni moyens ni envie de se défendre. Ils arrivaient en foule pour prendre part à cette courte campagne, et ils se formaient en corps organisés, sous le prince de Condé, à Worms   ; sous le comte d’Artois, à Coblentz.
    Le comte d’Artois hâtait surtout les déterminations des cabinets. L’empereur Léopold était en Italie, il se transporta auprès de lui avec Calonne qui lui servait de ministre, et le comte Alphonse de Durfort qui avait été son intermédiaire avec la cour des Tuileries, et qui lui avait rapporté l’autorisation du roi de traiter avec Léopold. La conférence eût lieu à Mantoue, et le comte de Durfort vint remettre à Louis XVI, au nom de l’empereur, une déclaration secrète, par laquelle on lui annonçait les secours prochains de la coalition. L’Autriche devait faire filer trente-cinq mille hommes sur la frontière de Flandre, les cercles quinze mille sur l’Alsace, les Suisses quinze mille sur la frontière du Lyonnais, le roi de Sardaigne quinze mille sur celle du Dauphiné   ; L’Espagne devait porter à vingt mille son armée de Catalogne   ; la Prusse était bien disposée en faveur de la coalition   ; le roi d’Angleterre devait en faire partie, comme électeur de Hanovre. Toutes ces troupes s’ébranleraient en même temps à la fin de juillet, alors la maison de Bourbon ferait une protestation, les puissances publieraient un manifeste, mais jusque là il importait de tenir ce dessein secret, d’éviter toute insurrection partielle, et de ne faire aucune tentative de fuite. Tel était le contenu de cette fameuse déclaration de Mantoue, du 20 mai 1791.
    Louis XVI, soit qu’il ne voulût pas se mettre à la merci de l’étranger, soit qu’il craignît l’ascendant que le comte d’Artois, s’il revenait à la tête de l’émigration victorieuse, prendrait sur le gouvernement qu’il aurait établi, aima mieux relever la monarchie tout seul. Il avait dans le général Bouillé un partisan dévoué et habile, qui condamnait à la fois l’émigration et l’assemblée, et qui lui promettait un refuge et un appui dans son armée. Depuis quelque temps une correspondance secrète avait lieu entre lui et le roi   : Bouillé préparait tout pour le recevoir. Sous prétexte d’un mouvement des troupes ennemies sur la frontière, il établit un camp à Montmédy   ; il plaça des détachements sur la route que devait suivre le roi, pour lui servir d’escorte   ; et comme il fallait un motif à ces dispositions, il prit celui de protéger la caisse destinée au paiement de ses troupes.
    De son côté la famille royale fit en secret tous les préparatifs du départ   ; peu de personnes en furent instruites, aucune démarche ne le trahit. Louis XVI et la reine affectèrent au contraire tout ce qui pouvait en éloigner le soupçon, et le 20 juin dans la nuit, au moment fixé pour le départ, ils quittèrent le château un à un et déguisés. Ils échappèrent à la surveillance des gardes, se rendirent sur le boulevard où une voiture les attendait, et se mirent en route dans la direction de Châlons et de Montmédy.
    Le lendemain, à la nouvelle de cette évasion, Paris fut d’abord saisi de stupeur   ; bientôt l’indignation prit le dessus, des groupes se formaient, le tumulte allait en croissant. Ceux qui n’avaient pas empêché la fuite, étaient accusés de l’avoir favorisée   ; la défiance n’épargnait ni La Fayette, ni Bailly. On voyait dans cet événement l’invasion de la France, le triomphe de l’émigration, le retour de l’ancien régime, ou bien une longue guerre civile. Mais la conduite de l’assemblée redonna bientôt du calme et de la sécurité aux esprits. Elle prit toutes les mesures qu’exigeait une conjoncture si difficile. S’étant réunie sur-le-champ, elle manda à sa barre les ministres et les autorités, calma le peuple par une proclamation, fit prendre des précautions propres à maintenir la tranquillité publique, s’empara du pouvoir exécutif   ; chargea le ministre des relations extérieures, Montmorin, de faire part aux puissances de l’Europe de ses intentions pacifiques, envoya des commissaires aux troupes pour s’assurer d’elles, et recevoir leur serment, non plus au nom du roi, mais au sien   ; enfin elle fit partir pour les départements l’ordre d’arrêter quiconque sortirait du royaume.

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