Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
machinations imprudentes, et en dernier lieu par la fuite du monarque, lui avait permis d’avouer son but ; et les Lameth, en l’abandonnant, l’avaient laissé à ses véritables chefs.
Les Lameth essuyèrent à leur tour les reproches de la multitude, qui ne voyait que leur alliance avec la cour, sans en examiner les conditions. Mais soutenus de tous les constitutionnels, ils étaient les plus forts dans l’assemblée, et il leur importait de rétablir au plus tôt le roi, afin de faire cesser une controverse qui menaçait l’ordre nouveau, en autorisant le parti républicain à demander la déchéance tant que durerait la suspension. Les commissaires chargés d’interroger Louis XVI lui dictèrent eux-mêmes une déclaration qu’ils présentèrent en son nom à l’assemblée, et qui adoucit le mauvais effet de sa fuite. Le rapporteur déclara, au nom des sept comités chargés de l’examen de cette grande question, qu’il n’y avait pas lieu à mettre Louis XVI en jugement, ni à prononcer contre lui la déchéance. La discussion qui suivit ce rapport fut longue et animée ; les efforts du parti républicain, malgré leur opiniâtreté, furent sans résultat. La plupart de leurs orateurs parlèrent : ils voulaient la déposition, ou une régence, c’est-à-dire le gouvernement populaire ou un acheminement vers lui. Barnave, après avoir combattu tous leurs moyens, finit son discours par ces remarquables paroles : « Régénérateurs de l’empire, suivez invariablement votre ligne. Vous avez montré que vous aviez le courage de détruire les abus de la puissance, vous avez montré que vous aviez tout ce qu’il faut pour mettre à la place, de sages et d’heureuses institutions : prouvez que vous avez la sagesse de les protéger et de les maintenir. La nation vient de donner une grande preuve de force et de courage ; elle a solennellement mis au jour, et par un mouvement spontané, tout ce qu’elle pouvait opposer aux attaques dont on la menaçait. Continuez les mêmes précautions ; que nos limites, que nos frontières soient puissamment défendues. Mais au moment où nous manifestons notre puissance, prouvons aussi notre modération ; présentons la paix au monde inquiet des événements qui se passent au milieu de nous ; présentons une occasion de triomphe à tous ceux qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt à notre révolution ! ils nous crient de toutes parts : vous êtes puissants, soyez sages, soyez modérés ; c’est là que sera le terme de votre gloire ; c’est ainsi que vous montrerez que, dans des circonstances diverses, vous savez employer des talents, des moyens et des vertus diverses. »
L’assemblée se rangea de l’avis de Barnave. Mais pour calmer le peuple, et afin de pourvoir à la sécurité de la France pour l’avenir, elle décréta que le roi aurait de fait abdiqué la couronne, s’il rétractait son serment à la constitution après l’avoir prêté, s’il se mettait à la tête d’une armée pour faire la guerre à la nation, ou s’il souffrait que quelqu’un la fit en son nom ; qu’alors, redevenu simple citoyen, il cesserait d’être inviolable, et pourrait être accusé pour les actes postérieurs à son abdication.
Le jour où ce décret fut adopté par l’assemblée, les chefs du parti républicain excitèrent la multitude. Mais le lieu des séances était entouré de la garde nationale, et l’assemblée ne put être ni envahie ni intimidée. Les agitateurs n’ayant pas pu empêcher le décret, insurgèrent le peuple contre lui. Ils firent une pétition, dans laquelle ils méconnaissaient la compétence de l’assemblée, en appelaient à la souveraineté de la nation, considéraient Louis XVI comme déchu depuis qu’il s’était évadé, et demandaient son remplacement. Cette pétition, rédigée par Brissot, auteur du Patriote français, et président du comité des recherches de la ville de Paris, fut portée au Champ-de-Mars, sur l’autel de la patrie : une foule immense vint la signer. L’assemblée avertie manda la municipalité à sa barre, et lui enjoignit de veiller à la tranquillité publique. La Fayette marcha contre l’attroupement, et parvint à le dissiper une première fois sans effusion de sang. Les officiers municipaux s’établirent aux Invalides ; mais dans le même jour la multitude revint en plus grand nombre, et avec plus de détermination ; Danton et Camille
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