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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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commissaires Kersaint, Antonnelle, Péraldy, envoyés par la législative auprès de son armée, furent arrêtés et mis dans la tour de Sedan. Cette mesure eut pour motif, que l’assemblée ayant été violentée , les membres qui avaient accepté une telle mission ne pouvaient être que les chefs ou les instruments de la faction qui avait asservi l’assemblée nationale et le r oi. Les troupes et les autorités civiles renouvelèrent ensuite le serment à la constitution, et La Fayette essaya d’agrandir le cercle de l’insurrection de l’armée contre l’insurrection populaire.
    Peut-être dans ce moment le général La Fayette songea-t-il trop au passé, à la loi, aux serments communs, et pas assez à la position véritablement extraordinaire où se trouvait la France. Il ne vit que les plus chères espérances des amis de la liberté détruites, l’envahissement de l’état par la multitude, et le règne anarchique des Jacobins   ; mais il ne vit pas la fatalité d’une situation qui rendait indispensable le triomphe de ces derniers venus de la révolution. Il n’était guère possible que la bourgeoisie, qui avait été assez forte pour abattre l’ancien régime et les classes privilégiées, mais qui s’était reposée après cette victoire, pût repousser l’émigration et l’Europe entière. Il fallait pour cela un nouvel ébranlement, une nouvelle croyance   ; il fallait une classe nombreuse, ardente, non encore fatiguée, et qui se passionnât pour le 10 août comme la bourgeoisie s’était passionnée pour le 14 juillet. La Fayette ne pouvait pas s’associer à elle   ; il l’avait combattue, sous la constituante, au Champ-de-Mars, avant et après le 20 juin. Il ne pouvait pas continuer son ancien rôle, ni défendre l’existence d’un parti juste, mais condamné par les événements, sans compromettre le sort de son pays et les résultats d’une révolution à laquelle il était si sincèrement attaché. Sa résistance, en se prolongeant davantage, eût fait naître la guerre civile entre l’armée et le peuple, dans un moment où il n’était pas même sûr que la réunion de tous les efforts suffît contre la guerre étrangère.
    On était au 19 août, et l’armée d’invasion, partie de Coblentz le 3o juillet, remontait la Moselle et s’avançait sur cette frontière. Les troupes étaient disposées, en considération du danger commun, à rentrer sous l’obéissance de l’assemblée   ; Luckner, qui avait d’abord approuvé LaFayette, se rétracta en pleurant, et en jurant devant la municipalité de Metz   ; et La Fayette sentit lui-même qu’il fallait céder à une destinée plus forte. Il quitta son armée, en prenant sur lui la responsabilité de toute cette insurrection. Il était accompagné de Bureau-de-Pusy, de Latour-Maubourg, d’Alex. Lameth, et de quelques officiers de son état-major. Il se dirigea, à travers les postes ennemis, vers la Hollande, pour se rendre de là dans les États-Unis, sa seconde patrie. Mais il fut découvert par les Autrichiens, et arrêté avec ses compagnons. Contre tous les droits des gens, il fut traité en prisonnier de guerre, et enfermé dans les cachots de Magdebourg et d’Olmutz. Pendant quatre années de la plus dure captivité, en butte à toutes les privations, ignorant le sort de la liberté et de sa patrie, n’ayant devant lui qu’un avenir de prisonnier tout-à-fait désespérant, il montra le plus héroïque courage. L’on mit sa délivrance au prix de quelques rétractations, et il aima mieux rester enseveli dans son cachot que d’abandonner en quoi que ce fût la sainte cause qu’il avait embrassée.
    De notre temps, peu de vies ont été aussi pures que celle de La Fayette, peu de caractères plus beaux, peu de popularités plus longues et mieux acquises. Après avoir défendu la liberté en Amérique à côté de Washington, il aurait voulu l’établir de la même manière que lui en France   ; mais ce beau rôle n’était pas possible dans notre révolution. Lorsqu’un peuple poursuit la liberté sans dissidence intérieure, et qu’il n’a pour ennemis que des étrangers, il peut trouver un libérateur, et produire en Suisse un Guillaume Tell, dans les Pays-Bas un prince d’Orange, en Amérique un Washington   ; mais lorsqu’il la poursuit malgré les siens et contre les autres, au milieu des factions et des combats, il ne peut produire qu’un Cromwell et qu’un Bonaparte, qui se font

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