Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Force, etc., furent égorgés pendant trois jours par une compagnie d’environ trois cents meurtriers, que dirigeait et que soudoyait la commune. Ceux-ci, avec un fanatisme tranquille, prostituant au meurtre les saintes formes de la justice, tantôt juges, tantôt exécuteurs, semblaient moins exercer des vengeances que faire un métier ; ils massacraient sans emportement, sans remords, avec la conviction des fanatiques et l’obéissance des bourreaux. Si quelques circonstances extraordinaires venaient les émouvoir, et les rappeler à des sentiments d’homme, à la justice et à la miséricorde, ils se laissaient toucher un moment, et recommençaient de nouveau. C’est ainsi que furent sauvées quelques victimes ; mais il y en eut bien peu. L’assemblée voulut empêcher les massacres, et ne le put point ; le ministère était aussi impuissant que l’assemblée ; la terrible commune seule pouvait tout et ordonnait tout : le maire Pétion avait été annulé ; Les soldats, gardiens des prisons, craignaient de résister aux meurtriers, et les laissaient faire ; la multitude paraissait complice ou indifférente ; le reste des citoyens n’osait pas même montrer sa consternation ; et l’on pourrait s’étonner qu’un crime si grand et si long ait été conçu, exécuté, souffert, si l’on ne savait pas tout ce que la politique ou le fanatisme des partis fait commettre, et tout ce que la peur fait supporter. Mais le châtiment de cet énorme attentat finit par retomber sur la tête de ses auteurs. La plupart d’entre eux périrent au milieu de la tempête qu’ils avaient soulevée, et par les moyens violents dont ils s’étaient servis. Il est rare que les hommes de parti n’éprouvent pas le sort qu’ils ont fait subir.
Le conseil exécutif, que dirigeait le général Servan pour les opérations militaires, faisait avancer les bataillons de nouvelle levée vers la frontière. Il avait voulu placer un général en chef habile sur le point menacé ; mais le choix était embarrassant. Parmi les généraux qui s’étaient déclarés en faveur des derniers événements politiques, Kellermann ne paraissait propre qu’à un commandement secondaire, et on se borna à le mettre à la place de l’incertain et incapable Luckner ; Custine était peu instruit dans son art, propre à un coup de main hardi, mais non à la conduite d’une grande armée sur laquelle allaient reposer les destins de la France. Le même reproche d’infériorité militaire s’adressait à Biron, à Labourdonnaie, et aux autres, qu’on laissa dans leurs anciennes positions avec les corps qu’ils avaient sous leurs ordres. Il ne restait plus que Dumouriez, contre lequel les Girondins gardaient un peu de rancune, et dont ils suspectaient d’ailleurs les vues ambitieuses, les goûts, le caractère d’aventurier, tout en rendant justice à ses talents supérieurs. Cependant, comme il était le seul général au niveau d’une aussi importante position, le conseil exécutif lui donna le commandement de l’armée de la Moselle.
Dumouriez s’était rendu en toute hâte du camp de Maulde à celui de Sedan. Il assembla un conseil de guerre, dans lequel l’avis général fut de se retirer vers Châlons ou Reims, et de se couvrir de la Marne. Loin de suivre ce conseil périlleux, qui aurait découragé les troupes, qui livrait la Lorraine, les trois évêchés, une partie de la Champagne, et ouvrait la route de Paris, Dumouriez conçut un projet d’homme de génie. Il vit qu’il fallait, par une marche hardie, se porter sur la forêt de l’Argonne, et qu’on y arrêterait infailliblement l’ennemi. Cette forêt avait quatre issues, celle du Chêne-Populeux sur la gauche, de la Croix-au-Bois et de Grand-pré au centre, des Mettes sur la droite, qui ouvraient ou fermaient le passage de la France. Les Prussiens n’en étaient qu’à six lieues, et Dumouriez en avait douze à parcourir et ses desseins d’occupation à cacher pour s’en emparer. Il le fit d’une manière très-habile et très-hardie. Le général Dillon, dirigé sur les Islettes, les occupa avec sept mille hommes ; il arriva lui-même à Grand-pré, et y établit un camp de treize mille hommes ; la Croix-au-Bois et le Chêne-Populeux furent également pris et gardés par quelques troupes. C’est alors qu’il écrivit au ministre de la guerre Servan : Verdun est pris ; j’attends les Prussiens. Le camp de Grand-pré et
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