Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
convention de remettre en doute ce que l’insurrection avait décidé, et de relever, par la pitié et la publicité d’une défense, le parti royaliste abattu. « L’assemblée, dit Robespierre, a été entraînée à son insu loin de la véritable question. Il n’y a point ici de procès à faire ; Louis n’est point un accusé, vous n’êtes pas des juges, vous n’êtes et ne pouvez être que des hommes d’état. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer. Un roi détrôné, dans une république, n’est bon qu’à deux usages, ou à troubler la tranquillité de l’état et à ébranler la liberté, ou à affermir l’une et l’autre.
« Louis fut roi ; la république est fondée : la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis ne peut être jugé ; il est déjà jugé ; il est condamné, ou la république n’est pas absoute. » Il demanda que la convention déclarât Louis XVI traître envers les Français, criminel envers l’humanité, le condamnât sur-le-champ à mort en vertu de l’insurrection.
Les Montagnards, par ces propositions extrêmes, par la popularité qu’elles obtenaient au-dehors, rendaient une condamnation, en quelque sorte, inévitable. En prenant une avance extraordinaire sur les autres partis, ils les forçaient à les suivre, quoique de loin. La majorité conventionnelle, composée d’une grande partie des Girondins, qui n’osaient pas déclarer Louis XVI inviolable, et de la Plaine, décida, sur la proposition de Pétion, contre l’avis des Montagnards fanatiques et contre celui des partisans de l’inviolabilité, que Louis XVI serait jugé par la convention.
Robert Lindet fit alors, au nom de la commission des vingt-un, son rapport sur Louis XVI : on dressa l’acte énonciatif des faits qui lui étaient imputés, et la convention manda le prisonnier à sa barre. Louis était enfermé au Temple depuis quatre mois ; il n’y était point libre, comme l’assemblée législative l’avait d’abord voulu, en lui assignant le Luxembourg pour demeure. La commune soupçonneuse le gardait étroitement ; mais, soumis à sa destinée, s’attendant à tout, il ne faisait apercevoir ni impatience, ni regret, ni ressentiment. Il n’avait auprès de lui qu’un seul serviteur, Cléry, qui était en même temps celui de toute sa famille. Pendant les premiers mois de sa détention, il ne fut point séparé d’elle, et il trouvait encore quelques douceurs dans cette réunion ; il consolait et soutenait les deux compagnes de son infortune, sa femme et sa sœur ; il servait de précepteur au jeune dauphin, et lui donnait les leçons d’un homme malheureux et d’un roi prisonnier. Il lisait beaucoup, et revenait souvent à l’histoire d’Angleterre, par Hume ; il y trouvait nombre de monarques déchus, et un, entre autres, condamné par le peuple. On cherche toujours des destinées conformes à la sienne. Mais les consolations qu’il trouvait dans la vue de sa famille ne furent pas de longue durée ; on le sépara d’elle dès qu’il fut question de son jugement. La commune voulut éviter que les prisonniers concertassent leur justification ; la surveillance qu’elle exerçait à l’égard de Louis XVI était chaque jour plus minutieuse et plus dure.
Sur ces entrefaites, Santerre reçut l’ordre de conduire Louis XVI à la barre de la convention. Il se rendit au Temple accompagné du maire, qui fit part au roi de sa mission, et qui lui demanda s’il voulait descendre. Louis hésita un moment, puis il dit : « Ceci est encore une violence ; il faut y céder. » Et il se décida à paraître devant la convention, qu’il ne récusa point, comme l’avait fait Charles I er à l’égard de ses juges. Dès qu’on annonça son approche : « Représentants, dit Barrère, vous allez exercer le droit de justice nationale. Que votre attitude soit conforme à vos nouvelles fonctions. » Et, se tournant vers les tribunes : « Citoyens, souvenez-vous du silence terrible qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les nations. » La contenance de Louis XVI, en entrant dans la salle, fut ferme, et il promena sur l’assemblée un regard assuré. Il était debout à la barre, et le président lui dit d’une voix émue : « Louis, la nation
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