Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
— l’intervention en Chine et le conflit avec le Japon n’étant pas considérés comme comportant un « danger de guerre » mais étant présentés comme une expédition coloniale… (1904-1905).
Autre trait attribué à l’impérialisme, la boulimie territoriale dont le partage de l’Afrique, en 1885-1890, fut l’expression la plus visible. Il s’agissait pour les puissances rivales — France, Allemagne, Angleterre, Portugal, Belgique — de s’assurer, sur la carte, le plus de territoires possible pour prévenir toute tentative d’un rival de se l’approprier un jour — sait-on jamais. Ce qu’on a appelé la « course au clocher »…
Or ce comportement s’est manifesté bien avant l’ère de l’impérialisme. Lors de l’occupation du Canada, par exemple, Samuel de Champlain justifiait ses ambitions dans un rapport de 1615, où il écrivait au roi : « Si nous ne nous y installons pas, ce seront soit les Anglais, soit les Hollandais [c’est-à-dire des protestants] qui viendront à Québec. » De sorte que la première colonie française fut une conquête « préventive », même si elle eut d’autres objectifs : la découverte d’un passage vers l’ouest Pacifique et le Japon, le peuplement et la mise en valeur, la conversion des Indiens.
Cette manière de se saisir des territoires sans appartenance avant que d’autres ne mettent la main dessus se voit justifiée ou critiquée, à l’ère coloniale comme à l’époque impérialiste, avec les mêmes arguments. Dès l’époque de Pufendorf et de Jean-Jacques Rousseau, on condamne les occupations fictives : « Pour autoriser un droit de première occupation, écrit celui-ci dans le Contrat social , il faut qu’on en prenne possession non par une vaine cérémonie, mais par le travail et la culture. » En 1805, la pratique de l’annexion par abus fut le fait des États-Unis, qui, en Louisiane, estimaient que l’occupation de l’embouchure d’un fleuve créait un droit pour l’ensemble du bassin (John Quincy Adams). Cette doctrine of continuity valait aussi pour l’occupation des terres se trouvant dans l’arrière-pays des côtes.
De la continuity , de l’ hinterland aux « sphères d’influence » il n’y avait que des différences de degré, quele Droit se chargea de rendre légales, cette dernière expression étant apparue, semble-t-il, dans l’accord anglo-allemand de 1885.
Détournement/substitution, politique alternative, appétit de conquête, les ressemblances entre les différentes phases de l’expansion l’emporteraient-elles sur les dissemblances ? Un trait supplémentaire rapproche l’ère des découvertes et celle de l’impérialisme… on retrouve les mêmes étapes dans les processus de domination. On sait bien qu’au XIX e siècle l’ère des découvertes et des pionniers — les Brazza, Stanley, etc. — a précédé celle des gouvernements qui ont pris leur relève ; or, on observe qu’il en a été de même aux XV e et XVI e siècles. Éblouie par les entreprises finales de Diego Cao, Christophe Colomb, Magellan, etc., qui, on le sait, ont été soutenues par les monarques, l’histoire traditionnelle n’a guère pris en compte l’action des pionniers qui les ont précédés. Autant que le produit d’un projet visionnaire — la Route des Indes par l’ouest ou par l’est — ou que l’effet d’une volonté énergique qu’autorisaient de nouveaux moyens techniques, l’expansion et les voyages ont été, en vérité, le résultat cumulatif de dizaines de petites tentatives émanant de simples marchands et aventuriers — Luis Fernao Gomes, Eustache de La Fosse, etc. Et, selon de Barros, c’est seulement lorsque, visitant le Bénin, des marins portugais apprennent que le royaume du Prêtre Jean est accessible par ce pays que la Couronne portugaise décide de prendre en charge le grand projet de Diego Cao pour pénétrer l’Afrique, ou la contourner (de Barros, cité in Thornton, Africa and Africans… , p. 35).
Quant à Christophe Colomb, il eut aussi des prédécesseurs, tel Fernao Dulmo, qui obtint du roi des privilèges pour toute terre trouvée à l’ouest des Canaries et des Açores, ce vrai carrefour des découvertes puis des conquêtes, mais sans le même succès.
De sorte que cette expansion en deux temps se retrouve aussi bien au XVI e siècle et au XIX e siècle.
L E M ARCHÉ OU LE D RAPEAU ?
Ainsi, à l’époque impérialiste,
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