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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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ne s’établit pas pour autant, les insurrections des Tatars, puis des Tchérémisses et des Tchouvaches, bientôt des Mordves se multipliant jusqu’aux époques de Stenka Razine (1667-1671) et de Pougatchev (1742-1775). Les Russes avaient décapité la noblesse tatare de Kazan, ils faisaient payer à tous le iassak , impôt sur la terre. Un « cahier de doléances », présenté en 1767 à la Commission de législation créée par Catherine II, expose, deux siècles plus tard, les états de service des Tatars, résumant en quelque sorte leur adhésion au gouvernement des Russes : « Nous avons servi le Souverain Empereur Pierre le Grand, de bienheureuse et glorieuse mémoire, grand-père bien-aimé de Sa Majesté, et avons pris part à bien des guerres et batailles, à savoir en 7112 [1614] contre le traître Grichka le défroqué, en 7120 [1612] contre les insurgés tatars de la province de Kazan, en 7197 [1639] pour défendre Samara contre les Kalmouks d’Astrakhan ; en 7162 [1654] pour défendre Smolensk contre les Polonais ; en 7166, lors de la répression de l’émeute bachkire… » Le nombre des allogènes ainsi au service du tsar de Russie était, vers 1660, de 2000 environ ; un demi-siècle plus tard, il s’était multiplié par vingt (B. Nolde, La Formation de l’Empire russe) .
    Simultanément, une vaste expropriation avait dépossédé l’ancien souverain et la classe dirigeante tatare qui fut quasiment exterminée dans ses dernières luttes pour l’indépendance : le tsar, le clergé orthodoxe et les cadets boyards, c’est-à-dire les hommes de service moscovite, firent main basse sur la terre et le butin, les militaires et leur famille constituant la majorité des colons. Cette colonisation militaire ouvrit la marche ; elle fut suivie d’autres, mais les biens des allogènes furent protégés : le Code du tsar Alexis (1649) interdisait aux boyards, gentils-hommes et Russes de tout rang, d’acheter, d’échanger, d’hypothéquer et de louer même des terres appartenant aux Tatars, Mordves, Tchouvaches, Tchérémisses, Votiaks et Bachkirs. Inversement, ceux-ci ne pouvaient acquérir une terre donnée aux Russes, ce qui constitua une sorted’équilibre comme peu de conquérants en ont institué… Chacun devait rester chez soi. Mais cela ne dura pas et Pierre le Grand bouscula cet édifice, tandis qu’un gros effort d’évangélisation était entrepris ultérieurement, sans grands ménagements, qui aboutit, au XVIII e  siècle, à la conversion, au moins en théorie, des Tchouvaches, des Tchérémisses et des Mordves. Mais les Tatars résistèrent et exprimèrent le vœu de pouvoir continuer à construire librement des mosquées et de recevoir un passeport pour pouvoir se rendre à La Mecque… Peu à peu, l’Église orthodoxe utilisa contre eux les procédures que l’Occident a connues : saisie des enfants, baptêmes forcés en échange de la conscription, écoles pour « mahométans » gérées par le clergé russe, et qui devenaient des foyers de révoltes…
    Au XIX e  siècle, le problème de la persistance de l’Islam avait pris le dessus sur le patriotisme tatar… Avec ses 2,3 millions d’habitants en 1897, ayant fortement résisté à la politique de russification, la communauté tatare de Kazan s’était peu à peu transformée en une société différenciée, qui possédait le tiers des établissements industriels de la province et contrôlait le commerce avec l’Asie centrale. Les Tatars de Kazan furent ainsi la première communauté du monde musulman tout entier à disposer d’une puissante classe moyenne, bien éduquée, qui leur assura le leadership du mouvement national dans l’Empire russe. Elle sécréta également, avant 1917, le premier mouvement féministe du monde islamique.
    La colonisation du pays bachkir, des deux côtés de l’Oural et autour du poste d’Oufa, se fit tout à fait différemment parce qu’il n’y avait pas d’unité dans ce monde de demi-nomades et qu’il fut plus aisé d’y imposer la loi des Russes, qui faisaient verser le iassak payé ici en fourrures, et qui se concilièrent l’aristocratie en lui conférant le statut de tarkhan (dispensé de iassak) ; ses membres, ainsi protégés, accueillaient des réfugiés tchouvaches, votiaks, tatars qui mettaient leurs terres en valeur. Les colons russes étaient peu nombreux jusqu’au milieu du XVII e  siècle, mais ces sédentaires entrèrent vite en conflit avec les

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