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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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Remarquons auprès de l’appareil guerrier cette rangée de camions ; ce sont des camions civils ; ils sont déjà là ; ils suivent l’armée, ils assurent son ravitaillement et celui de ksours pacifiés. Ils sont arrivés par la route, par la piste et quelquefois sans route ni piste, “dans la nature” comme ils disent. Les chauffeurs civils de ces camions, véritables chevaliers de l’aventure marocaine, ont eu beaucoup de camarades tués à leur volant ; aussi désormais sont-ils accompagnés par un gardien vigilant et rapide, l’automobile blindée. Notez que ces automobiles blindées ne sont pas militaires [c’est nous qui soulignons]. Elles appartiennent à des industriels soucieux de protéger leur personnel contre insoumis, dissidents et pirates. Les conducteurs sont civils, mais l’armée, séduite par cesméthodes, leur fournit un équipage sous la conduite d’un sous-officier. Ces blindés ont créé un état d’esprit si salutaire chez les brigands que, depuis qu’elles ont été mises en service, aucune voiture n’a manqué à sa mission : ravitailler les ksours et même les plus difficiles d’accès. »
    Convoi de camions dans ce documentaire Pathé, convoi de chevaux dans La Charge de la Brigade légère : l’action se passe un siècle plus tôt, ou presque, aux confins de l’Inde, mais qu’importe… La différence toutefois, entre ces films à la gloire de l’Empire britannique et les autres, c’est que, sauf dans Les Quatre Plumes blanches qui se passe au Soudan, ils ne mettent pas en scène des réprouvés qui cherchent leur rachat à la colonie, mais au contraire la fine fleur de la jeunesse émoulue d’Oxford ou de Cambridge, et qu’aux tripots et autres bordels, lieux favoris de Duvivier et de Feyder, se substituent les bals du gouverneur, les clubs, les chasses filmés par Henry Hathaway ou Michael Curtiz (1936). Certes, ces derniers films sont américains, mais ils sont animés par la même éthique, et surtout ils recèlent les mêmes stéréotypes qu’a bien analysés Jeffrey Richards dans Visions of Yesterday . L’exercice du pouvoir repose sur le consentement des sujets qui adhèrent au code des Britanniques, alors que les despotes indigènes, assoiffés de pouvoir, oppriment ceux qui sont sous leur contrôle. L’écart entre les deux systèmes — indien, britannique — s’exprime par une exagération des traits définis comme purement anglais — humour, sang-froid, goût du sport — et des traits attribués à l’Inde. Les indigènes relèvent de plusieurs archétypes : le fidèle, qui est le plus prisé, volontiers un enfant, par exemple dans Gunga Din , où il grimpe sur une tour et souffle du clairon pour sauver Cutter, prisonnier des Thugs (Cary Grant), puis meurt, mais dont le souvenir reste vivant. L’adversaire valeureux est un autre personnage qui anime la vision britannique de l’Empire : dans Khartoum (1966), le Mahdi qui lutte contre les Anglais est même si sympathique — il est vrai qu’il est incarné par James Mason — que les Anglais ont beau mourir c’est lui qui emporte l’adhésion. Un autre type témoigne du caractère raciste de ces films : il s’agit de l’indigène qui voudrait s’occidentaliser et ainsi être reconnupar les Anglais. Mais il ne saurait y parvenir, ainsi Surat Khan, dans La Charge de la Brigade légère : il a étudié à Oxford et est un fin joueur de cricket, mais il est au fond de lui-même un pervers, et nécessairement il trahit, ou bien est un parjure. L’indigène éduqué est presque toujours un méchant  2 .
    Cela trahit la peur des Anglais que les colonisés ne s’éduquent et qu’ainsi leur domination ne perde sa légitimité. On retrouve là une transcription du vieux fantasme des classes dirigeantes de la métropole, hostiles à l’enseignement public et gratuit, si ce n’est que, à la colonie, la classe montante est aussi une race, définie comme inférieure et perçue comme telle.
    Bartolomé de Las Casas et la défense des colonisés
    Chantre de la défense des Indiens, Bartolomé de Las Casas est la grande voix qui s’est élevée contre la violence coloniale. Certes, elle avait été précédée par les appels de Francisco de Vitoria qui, dès 1534, mit en cause la guerre menée contre les Incas, mais c’est le principe de la donation du pape qu’il contestait alors, celui-ci n’étant pas le maître temporel du monde. A la différence, l’appel de Las Casas

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