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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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était essentiellement humanitaire. Quand il rédige le procès de la conquête, cette Brevisima relacion de la destruccion de las Indias (1552), il explique l’avoir écrit par compassion pour sa patrie, la Castille, craignant que Dieu ne la détruise à cause de ses grands péchés. « Le cri du sang humain répandu monte maintenant jusqu’au ciel. » Témoin oculaire des crimes commis aux îles Lucayes (ou Bahamas), puis à Hispaniola, il cite ses sources quand il est nécessaire et se fait fournir les enquêtes (probanzas) par des religieux qui partagent ses idées. Certes, juge-t-il,l’Évangile doit être porté aux Indes, mais toute action guerrière, toute violence parmi des gens qui sont libres de par le droit naturel, compromet et entache la mission colonisatrice à laquelle il adhère. Sur le terrain, il a su négocier l’entrée pacifique de ses frères dominicains sur le Teziutlan, cette terre de guerre qui devient terre de paix, la Vera Paz.
    La défense des Indiens consiste à montrer qu’ils sont des êtres humains, identiques à ceux qui les colonisent ; ce qui pourrait légitimer la violence des Castillans, la barbarie, ne se manifeste, selon Las Casas, qu’exceptionnellement, et nul ne saurait leur donner d’autre leçon que de les convertir au christianisme, mais par leur adhésion propre, en leur annonçant l’Évangile. Las Casas rend compte du premier point dans le Tratado Comprobatorio (milieu du XVI e  siècle), qui était destiné à Charles V, pour conforter ses droits sur le Nouveau Monde. « A ceux qui prétendent que les Indiens sont des barbares, nous répondrons que ces gens ont des villages, des bourgs, des cités, des rois, des seigneurs et un ordre politique qui, en certains royaumes, est meilleur que le nôtre. De même, nous pouvons leur prouver que si, dans telle partie des Indes, on a mangé de la chair humaine et sacrifié des innocents […], il y a pourtant des milliers de lieues de territoires où chacune de ces actions n’a été commise : ni dans la grande île espagnole, ni à Cuba, la Jamaïque, en Yucatan, Floride, Pérou ainsi qu’en beaucoup d’autres endroits. »
    Quant à la qualité de leurs coutumes, elle est affirmée dans son Apologetica Historia , écrite en castillan pour assurer une diffusion plus large à ses thèses, pour populariser son combat. Décrivant l’Empire inca et l’Empire aztèque, cet immense corpus de 263 chapitres s’achève précisément par cette conviction que les sociétés humaines peuvent évoluer, un acte de foi qui n’était guère partagé à cette époque.
    « Ces peuples égalaient et même surpassaient beaucoup de nations du monde réputées pour policées et raisonnables et n’étaient inférieures à aucune. Ainsi, ils égalaient les Grecs et les Romains et même, en certaines de leurs coutumes, ils les dépassaient… Ils dépassaient aussil’Angleterre, la France et certaines de nos régions d’Espagne […]. Il est donc acquis que la plupart d’entre eux sont, dans l’ensemble, très bien disposés pour recevoir non seulement la doctrine morale mais aussi notre religion chrétienne, même si certains, en quelque région, n’ont pas encore atteint la perfection politique d’une république bien gouvernée et ont encore certaines coutumes corrompues. Il n’y a aucune raison de nous étonner des défauts, des coutumes barbares et déréglées que nous pouvons rencontrer chez les nations indiennes, ni de les en mépriser… […] Aucune nation, si embourbée qu’elle soit dans les vices, n’est exclue de la participation à l’Évangile […]. La plupart des nations du monde, sinon toutes, furent bien plus perverties, irrationnelles et dépravées… […]. Nous-mêmes, nous fûmes bien pires du temps de nos ancêtres païens, sur toute l’étendue de notre Espagne, par la barbarie de notre mode de vie et la dépravation de nos coutumes. »
    La force de Las Casas c’était qu’il fut un propagandiste infatigable de son idée humanitaire, ce qui dressa contre lui la puissance des chantres et bénéficiaires de la conquête, ces capitaines et soldats, encomenderos aussi, enrichis par le butin et qu’il heurta d’abord de front, lorsqu’il fut nommé évêque de Chiapa, au Mexique, avant d’en affronter la menaçante coalition, qui sut trouver en Espagne même un avocat talentueux, le docteur de Sepulveda, de l’université de Salamanque.
    La « Grande Polémique » entre Las Casas et

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