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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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1889, qui le traita, mais seulement de profil . Ce sont les intérêts de la classe ouvrière qui préoccupent les socialistes, et les problèmes coloniaux ne sont abordés que par rapport à ces intérêts. Par exemple, lorsque Jules Guesde, en France, s’oppose à la conquête de la Tunisie, en 1881, c’est pour autant qu’une telle entreprise favorise la bourgeoisie, elle seule. Inversement, lorsque Turati en Italie ou Kautsky expliquent que les conquêtes sont voulues par les classes attardées et parasitaires — milieux dynastiques, caste militaire —, lutter contre l’expansion revient à lutter pour les intérêts réels des classes ascendantes, les industriels et les ouvriers.
    Le premier socialiste à aborder ces problèmes directement fut le Hollandais Van Kol, qui avait vécu à Java. « J’y ai passé les seize plus belles années de ma vie, parmi ces indigènes que j’ai appris à aimer, ces peuples si doux et si pacifiques, toujours esclaves, toujours abandonnés, toujours martyrs. » Il jugeait que la colonisation française (enTunisie) était un chef-d’œuvre d’humanité par rapport à la colonisation hollandaise parce qu’on y avait maintenu les institutions traditionnelles. Avec Edward Bernstein en Allemagne, Vandervede en Belgique et Jaurès en France, le mouvement socialiste était partisan d’une « politique coloniale positive », c’est-à-dire qui ne serait plus la politique coloniale de la bourgeoisie. L’Anglais Hyndman allait plus loin, qui stigmatisait en Inde les formes prises par l’exploitation coloniale : « Nous fabriquons délibérément la famine pour nourrir l’avidité de nos classes prospères. »
    Mais, tandis que Van Kol affirmait la nécessité du fait colonial, à la fois en raison des intérêts vitaux de la classe bourgeoise en expansion, et de la nécessité de civiliser des populations qui n’avaient pas atteint le niveau technique de l’Europe, des radicaux, tel le Polonais Karski, dénoncent avant tout l’impérialisme, dont Hobson fait le procès économique dans une démonstration que reprit Lénine ultérieurement en écrivant L’Impérialisme stade suprême du capitalisme . De tous ces discours, l’indigène était absent, si ce n’est dans ces débats avec Van Kol où, pour la première fois, un Indien prit la parole, Dadabhai Naoroji, un des pères spirituels de Gandhi : pathétique et modéré, ce vieillard de quatre-vingts ans demandait aux Britanniques d’accorder à l’Inde le self-government , dans la meilleure forme praticable par les hindous eux-mêmes, sous souveraineté anglaise.
    Mais là encore, au lieu d’entendre une voix spécifique, celle du colonisé, les socialistes eurent le sentiment que leurs idées débordaient l’Europe et ils se félicitaient de la constitution de nouveaux partis plus qu’ils n’eurent conscience du caractère spécifique de la revendication coloniale.
    Ce fut au congrès de Stuttgart, en 1907, qu’à la suite des conflits de l’Extrême-Orient, des incidents du Congo, de la famine des Hereros dans le Sud-Ouest africain allemand, les problèmes coloniaux et le « colonialisme » firent l’objet de véritables débats. Pour les uns, Allemands surtout, « l’idée colonisatrice constitue un élément intégral du but universel des civilisations poursuivi par le mouvement socialiste » ; ce courant impérialiste est animé par E. David, Noske, Hildebrand. « Sans colonies, nous serions assimilables à la Chine. » Les méthodes impérialistes sont désapprouvées, certes, mais faiblement : ce sont les besoins des États qui, au nom de la civilisation, priment. Un deuxième courant, avec Van Kol, Jaurès, Vandervelde, rêve plus ou moins d’une gestion internationale des colonies, jugeant que la colonisation est un fait d’histoire ; il existe, il est dérisoire de le combattre. L’accent est mis sur la dénonciation de la barbarie coloniale, et ses tenants ont envers les colonisés l’attitude d’un père pour ses jeunes enfants. Ils jugent absurde l’idée de laisser ces peuples indépendants : « Ce serait rendre les États-Unis aux Indiens », dit Bernstein. « Notre opposition à la politique coloniale nous rend aveugle au fait qu’elle incarne un mouvement vers la civilisation qui existerait en dehors de tout capitalisme et de tout militarisme. »
    Enfin, à gauche, Kautsky et Jules Guesde nient que la colonisation soit un facteur de progrès : la condamner

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