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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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comité de laquelle appartenaient deux Arabes, Abd El-Kader Mahdad et Abd El-Kader Mimouni, ainsi qu’un pied-noir israélite, Jean Cohen. Dans son Appel , la revue se prononçait « contre la colonisation et contre le racisme, pour une Algérie libre, démocratique et sociale ». Un tel programme devait, bien entendu, aboutir à l’interdiction de cette revue, qui observait en passant — et elle était bien la première — que d’ordinaire « l’anticolonialisme émane de la pensée métropolitaine », alors que son propre projet consistait à associer la pensée de tous les Algériens à la recherche d’une solution à leurs problèmes. « Nous ne partageons pas l’erreur dangereuse de ceux qui croient qu’une solution des problèmes français entraînerait par voie de conséquence celle des problèmes algériens. »
    Ce diagnostic était sans doute le plus avancé qu’on ait jamais entendu ; il s’établissait contre celui des communistes algériens ou français qui entendaient que demeurent associés le destin de l’Algérie et celui de la métropole, qui, en 1950, croyaient qu’il existait encore une possibilité que leur parti retrouve les voies du pouvoir… Ce diagnostic de Consciences algériennes se situait néanmoins dans un contexte marxiste, pour autant que François Châtelet jugeait que le problème de la liquidation du régime colonial « bouleversait le jeu normal de la lutte des classes » ; il constatait aussi que l’Islam devenait un principe fondateurde la « lutte nationaliste ». Il jugeait enfin qu’il fallait imaginer un progressisme unissant PCA, PSU, MTLD, UDMA (Parti communiste algérien, Parti socialiste unifié, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, Union démocratique du Manifeste algérien) — et non un processus en deux étapes — libération nationale puis démocratique —, impossible, ou impensable.
    Les communistes français, pour leur part, avaient adopté des positions variées. En 1939, Maurice Thorez observait que « la nation algérienne était en voie de se constituer historiquement ». Il jugeait que cette évolution pouvait être facilitée ou aidée par l’effort de la République française. Il reprenait la même idée en 1945, alors que le ministre Charles Tillon, communiste, couvrait le bombardement de Sétif…
    « Globalement », pourtant, l’anticolonialisme communiste se situait sur une autre orbite. Encore en 1958, Jacques Arnault écrivait, aux Éditions de la Nouvelle Critique : « Il n’y a pas de problème algérien. Il y a un aspect algérien d’un problème de notre temps. »
    Il existait enfin un autre courant, qu’on pourrait appeler tiers-mondiste et qu’en France, à la fin des années cinquante, représente Jacques Berque ; selon lui le fait colonial a « faussé l’Histoire » en brisant le libre développement des civilisations extra-européennes, la colonisation étant avant tout une œuvre de « dénaturation » : elle intercepte la nature de l’autre pour l’exploiter, le supplanter dans tous les domaines — politique, artistique, linguistique — et répand sur l’Autre une « opacité » qui contribue à l’obscurcir. « Il est coupé de son histoire, amputé de son héritage… et doit reconstruire sa personnalité en fonction du modèle imposé par le dominateur. »
    En un sens, ce tiers-mondisme avant la lettre emprunte quelques-uns de ses traits au cri des colonisés eux-mêmes, qu’il s’agisse d’Aimé Césaire ou de Frantz Fanon, deux Antillais. « On me parle de progrès, dit Césaire, de réalisations, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés… Moi, je parle de sociétés vidées d’elles, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties… » Il emprunte aussi quelques traits àl’analyse d’Albert Memmi, Portrait d’un colonisé , mais la différence est que Jacques Berque l’inscrit dans une vision de l’histoire.
    Les silences du discours anticolonialiste
    Le discours anticolonialiste n’est pas exempt non plus d’aveuglement, de refus de voir. Il a ses tabous, comme l’autre. Il est aisé d’en repérer quelques-uns.
    L ’ ÉMANCIPATION DES   FEMMES
    Et, par exemple, au Maghreb comme en Afrique noire, il ignore que la colonisation a aidé à l’émancipation des femmes. Or, cela apparaît d’abord au travers de la vie de trois générations de Juives tunisiennes, qu’a évoquée

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