Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

(Axelle Kabou). Par ailleurs, le tribalisme séculaire a pu être, en amont, une donnée qui a favorisé la mise en dépendance. De même, au Maghreb, la stagnation n’est pas due seulement au colonialisme, à ses effets ; pas plus que le colonialisme ne serait seul responsable de la détérioration de la personnalité arabo-islamique. « Tandis que l’Europe entrait dans la philosophie des Lumières, le Maghreb se fragmentait en régions, en îlots linguistiques et ethnoculturels gérés par des chefs de confrérie et des saints locaux » (Mohammed Arkoun).
    Le contre-exemple est bien celui du Japon qui, du XVII e au XIX e  siècle, était à peine mieux armé que l’Afrique pour résister à l’Occident — et qui y est parvenu.
    Inversement, les chantres de l’esprit colonial doivent se rappeler qu’au Congo belge il y avait deux bacheliers en tout et pour tout en 1960, et 95 % d’analphabètes léguéspar la France au Niger et au Mali, que le colonialisme fut « un patchwork de crimes et de bonnes intentions », et le néo-colonialisme une aide intéressée.
    Mais, comme on le vérifiera, les problèmes sont plus complexes…
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    1 .
Annabella dans La Bandera , Dalio dans L’Esclave blanche , Le Vigan dans L’Occident , etc.
Le trait se retrouve ailleurs ; dans Visages d’Orient (The Good Earth , 1937), les Américains font jouer le rôle de deux protagonistes chinois par Paul Muni et Luise Rainer.
    2 .
On retrouve ici l’alternative antisémite des nazis : ou bien le Juif Suss demeure juif, et il est méprisable ; ou bien il se modernise et, alors, il faut se méfier de lui…
    3 .
Cf. ici .
    4 .
Au Vietnam, la colonisation a contribué à la déstructuration de la famille traditionnelle, ce qui a aidé à une émancipation des jeunes femmes, notamment pendant la guerre.
    5 .
Il faudrait mentionner aussi qu’après s’être gaussée des arguments colonialistes selon lesquels la France apportait sa « protection » au Cambodge contre les visées de l’Annam, avant 1900, la tradition anticolonialiste est demeurée sans voix lorsque, redevenu indépendant, le Vietnam a voulu réannexer le Cambodge durant les années soixante-dix du XX e  siècle…

CHAPITRE VI
La vision des vaincus
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    Le traumatisme de l’occupation a frappé tous ces peuples qui, à moins d’être exterminés, ont dû se soumettre. Pourtant, le choc n’a pas été le même partout. Il a été plus violent aux Amériques qu’ailleurs parce que, isolés du monde depuis plusieurs milliers d’années, les Indiens ignoraient que d’autres peuples pussent exister. Ils furent épouvantés par ces êtres « à l’allure humaine, montés sur des monstres inconnus », et ne surent pas trop quel comportement adopter vis-à-vis de ces envahisseurs — depuis l’alliance, la fraternisation, jusqu’à l’hostilité. Mais quel qu’il fût, de toutes les expériences tentées, ce fut la vision de l’épouvante qui l’emporta.
    Aux Amériques, le traumatisme causé par les envahisseurs
    Au Mexique comme au Pérou, on se rappela les prophéties qui avaient pu annoncer pareille catastrophe. Chez les Mayas, par exemple, une prophétie, dans le Chilam Balam , avait prévu l’arrivée des Blancs :
    « La Terre flambera, et il y aura de grands cercles blancs dans le ciel. Jaillira l’amertume, cependant que l’abondance s’enfuira. La terre flambera et la guerre d’oppression flambera. L’époque s’enfoncera dans de graves travaux. De toute manière, ce sera Vu.
    » Ce sera le temps de la douleur, des larmes et de la misère. C’est ce qui est à venir. »
    Au Pérou aussi, des phénomènes étranges se seraientproduits avant l’arrivée des Blancs : tremblements de terre répétés, colonnes de feu surgissant à l’horizon, temples détruits par la foudre, passage de comètes… Dans tous les cas, le point important est sans doute que, dans les Andes comme au Mexique, les envahisseurs étaient, sinon attendus, au moins prévisibles. Moctezuma reçoit les Espagnols comme s’ils étaient les dieux qu’on attendait : « Seigneur, vous êtes chez vous », dit-il à Cortez, tandis que, dans les Andes, la Chronique de Titu Cusi rapporte qu’à l’arrivée des Espagnols on crut qu’ils étaient les Viracochas, c’est-à-dire les fils de Dieu.
    Dans Histoire de Lynx , Claude Lévi-Strauss a expliqué que le bipartisme qui règne dans les mythes indiens, opposant l’eau et le feu, le céleste et