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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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qu’aucune autre civilisation n’a défini avec une précision aussi méticuleuse une classification des races, accompagnée de jugements, tels qu’ils sont énoncés dans les Dix Conseils pour acheter des hommes et des femmes esclaves , et dans la littérature, dans Les Mille et Une Nuits. «  Les femmes Zanj ont de nombreux défauts. Plus elles sont noires, plus leurs visages sont laids, plus leurs dents sont pointues […]. La danse et le rythme sont enracinés en elles. Dans la mesure où leur parole est obscure, elle est compensée par la musique et la danse. On dit que si un Zanji devait tomber du paradis sur terre, il battrait la mesure pendant sa chute… On ne peut tirer aucun plaisir de leurs femmes à cause de leur odeur déplaisante et de la rudesse de leurcorps… Les femmes éthiopiennes ont des corps gracieux, doux et faibles ; elles sont sujettes à la phtisie… Si on importe les bujja jeunes, qui ont la peau dorée, de beaux visages, des corps doux, on leur épargne la mutilation et on peut encore les utiliser pour le plaisir… », etc. « Leur vente, au Caire », note un témoin (français), en 1802, « ressemble à celle des animaux domestiques en Europe… L’acquéreur fait la ronde et choisit… Si le nègre ou la négresse ronfle beaucoup ou pisse au lit, on peut les restituer, et les changer dans les vingt jours après l’achat. » A cette date, un garçon vaut de 50 à 100 piastres d’Espagne, un eunuque jeune de 160 à 200… (cité in Bernard Lewis, Race et Couleur en pays d’Islam) .
    En Orient, la traite et l’esclavage ne doivent pas plus à l’Islam qu’en Occident ils n’étaient liés au christianisme. Ce fut l’expansion, la conquête et la colonisation arabes qui en étendirent le champ. Au départ, être Arabe et être musulman était pratiquement équivalent, mais, à mesure que la conversion à l’Islam progressa, par la force le plus souvent, une nouvelle catégorie apparut, les non-Arabes convertis à l’Islam. Égaux en principe, ils n’en étaient pas moins assujettis, « ils nettoient nos routes, réparent nos chaussures, tissent nos vêtements ». Le problème des métis se posa aussi : en Afrique comme en Asie du Sud-Est, ils rencontrèrent des peuples plus ou moins « avancés » avec lesquels ils purent se croiser. C’est alors que, sans doute à cause de cela, les Arabes commencèrent à associer la peau claire à la civilisation. Ce qui n’empêchait pas, du reste, d’avoir des esclaves clairs — Circassiens par exemple — et d’autres blancs même, mais chrétiens. C’est parce qu’était interdite la mise en esclavage des musulmans nés libres et des non-musulmans vivant sous la protection d’un État musulman que les importations d’esclaves d’Eurasie au nord, d’Afrique noire au sud, se multiplièrent à partir des X e , XII e  siècles.
    Le monde extérieur, « non civilisé », était ainsi une réserve d’esclaves pour les Arabes, puis pour les Ottomans. Cela dura jusqu’au XIX e  siècle, où le premier État à abolir l’esclavage fut la Tunisie, en 1846, opération achevée sous « l’occupation française ». En Turquie, le processus commença vers 1830, concernant d’abord les Blancs — Géorgiens et Circassiens — puis les Noirs en Hedjaz (1857). L’esclavage restait pourtant actif dans certaines parties du monde arabe, l’Arabie Saoudite, où il fut aboli en 1962, et la Mauritanie en… 1980.
    Ce qui rend compte, peut-être, du peu de traces qu’il a laissées en Orient, c’est qu’il y avait une grande proportion d’eunuques parmi les mâles noirs qui étaient amenés dans le monde islamique. Marchands noirs et marchands arabes se chargeaient de l’opération, étant donné la valorisation du produit après castration… La légende noire anticoloniale insiste peu sur ce trait-là.
     
     
    Aujourd’hui, la légende noire et la légende rose ont perdu de leur superbe. S’interrogeant sur le destin de leur pays, il est des Africains qui jugent que les effets de la tutelle coloniale n’étaient pas tous aussi néfastes qu’on l’a cru : trente ans après, le colonialisme ne saurait plus être jugé responsable de toutes les faillites qui ont suivi. Au vrai, c’est le télescopage des indépendances par l’unification économique du monde qui a ruiné des espérances (cf. ici ), mais une Camerounaise a pu se demander si l’Afrique, au fond, ne refusait pas le développement »

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