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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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l’Amérique, pour des esclaves destinés aux comptoirs et aux îles de l’Atlantique portugais (Sao Tomé, les Açores, etc.). Le trafic atlantique a abouti à un accroissement gigantesque de cette traite qui est passée, en moyenne, de 5 000 âmes par an, vers 1500, à 9 500, vers 1600, avec des chiffres encore plus élevés au XVIII e  siècle (cf. le total, ici ).
    L’esclavage et la traite existaient ainsi avant l’arrivée des Européens, et ce trafic n’était pas dû seulement à l’action des Arabes, ou plus tard des Portugais, Français, Anglais… L’esclavage et la traite faisaient partie des structures du fonctionnement des sociétés et des États africains ; la propriété privée de la terre n’ayant pas d’existence ou de légitimité dans la tradition, seule la possession d’esclaves et des produits de la terre permettaient l’accroissement de puissance des marchands ou des monarques. Les monarques africains pouvaient ainsi être en guerre pour opérer des razzias, acquérir des esclaves destinés à la vente ou à leurs propres domaines. Leur statut était variable, différencié selon leur origine et les conditions de leur acquisition. C’est avec la traite arabe puis européenne que leur sort s’est uniformisé, et de façon tragique (John Thornton, Africa and Africans) .
    S’il est vrai qu’au XIX e  siècle ce sont bien les moyens militaires qui ont permis aux Européens de conquérir et de dominer de vastes territoires, d’y introduire le travail forcé, il n’en a pas été ainsi aux origines : en Sénégambie, par exemple, le commerce des esclaves n’a vraiment commencé, avec un départ de 700 à 1000 individus par an, qu’à partir du moment où les Portugais ont mis fin à leurs raids et ont commencé à négocier l’achat de ces esclaves. C’est dire que les États africains ont été partie prenante dans cette traite et qu’ils l’ont spontanément développée. Il semble même que les guerres entre royaumes africains se sont multipliées à partir du moment où la traite a connu cette relance que créait la demande atlantique — une évolution qui a pu être vérifiée au Kongo. Telle était la situation constatée par le voyageur Mungo Park en 1797 (Mungo Park, Voyage à l’intérieur de l’Afrique , 1800).
    Ce qui est le fait des Européens, d’eux seuls, est la détérioration du sort des victimes. Dans les sociétés de l’Afrique atlantique, les esclaves n’étaient pas spécialement destinés aux tâches rebutantes ou inhumaines. Certes, lors de leur capture, voire de leur achat, en tant qu’« étrangers », ils subissaient un traitement discriminatoire, mais ultérieurement leurs descendants vivaient comme les vilains du Moyen Age occidental, sur la terre de leurs seigneurs. Par exemple, en Côte de l’Or, ils disposaient d’un jour libre par dizaine ou par semaine pour cultiver un lot qui leur était attribué, le reste du temps étant consacré aux récoltes du maître ou de l’État. Or, aux origines, aux premiers esclaves noirs transférés à Sao Tomé-Principe les Portugais ont appliqué le même régime.
    L’aggravation du sort des esclaves s’est faite ultérieurement, par étapes, inexorablement. Et, après l’épouvante du voyage et les mauvais traitements connus aux Amériques, l’Afrique est restée dans les mémoires comme un Paradis perdu.
     
     
    En Afrique noire comme au Mexique ou dans les Andes, l’existence d’États organisés a certes été à l’origine d’une résistance à l’occupation étrangère, qui s’est traduite par des combats, finalement malheureux ; mais on constate surtout que ce sont les formations étatiques les moins élaborées, les moins centralisées qui, à plus long terme, se sont opposées avec le plus de continuité aux Européens. Ce qui signifie aussi que de véritables États existaient, ou du moins des structures qui jouaient ce rôle, ce que veut ignorer la tradition coloniale.
    De ce point de vue, l’État qu’a su construire Samori au XIX e  siècle, au Soudan, est exemplaire. Il résulte de l’association d’un individu exceptionnel et d’un groupe social, les Dyula, commerçants, dont l’essor est lié à une rénovation de l’Islam. Chef de guerre, jouant de sa parenté, du commerce et de l’Islam, Samori se hisse à la tête d’une société et se taille un empire de près de 400 000 km 2 . Il avait su réorganiser l’armée en établissant une hiérarchie

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