Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
Vom Netzwerk:
distance ; il leur substitua des sagaies plus courtes qui, ainsi, peuvent aussi servir à des combats de corps à corps. Il multiplia les exercices physiques pour bander les muscles de ses soldats, dont il accrut la part de nourriture carnée. Il les stimula par des concours d’épreuves : aux vainqueurs étaient offertes des jeunes filles nubiles, les plus belles de la concession du roi, initiées à la lutte et au combat. Et Chaka les faisait s’entraîner sous les yeux brillants de ses guerriers. Il leur était interdit, toutefois, d’avoir le moindre contact avec elles, sous peine de mort. Ainsi « la pulsion sexuelle est détournée de sa fonction reproductrice pour se transformer en moteur de guerre » (W.L. Randles). Après douze années de règne, en 1828, lasse de cette tyrannie, qui faisait de son royaume une puissance à laquelle les Blancs n’osaient pas se frotter, une partie de l’armée se souleva, et il mourut assassiné. Après lui, les ressorts de l’Empire se détendirent, les Boers triomphèrent des Zoulous à la Blood River, les Anglais détruisirent leur armée en 1879, épilogue connu en Europe parce qu’y mourut le Prince impérial, filsde Napoléon III. Ce fut la fin des « Hommes du Ciel ».
    Transformé en héros mythique et légendaire, Chaka est devenu le Christ noir pour les uns, le symbole de la négritude pour les autres. La tradition orale d’abord, puis écrite, a transfiguré sa vie mouvementée. A son origine, on trouve le Chaka de Thomas Mofolo, dont le texte en sosotho demeura longtemps enseveli dans les tiroirs des Missionnaires de la Société évangélique de Paris . Son héros triomphe, mais, avec l’aide du Diable, il commet mille crimes et exactions avant de périr dans un complot ourdi par ses frères. Dans une autre version, il tue un léopard à l’âge de dix-neuf ans et fait enfermer une reine ennemie dans une hutte avec une hyène vorace. Dans une autre version encore, il transforme un noyau invincible de 500 hommes en une armée de 400 000 hommes destinée à gouverner le monde.
    Chaka avait créé en quelque sorte une nation zoulou. Il incarne bientôt la résurrection de la « nation africaine » tout entière, survit à la mort dans le drame de Badian et de A. A. Ka. Et, tandis que chez le chrétien Mofolo, sa mort signifie la défaite du Mal, désormais elle évoque le sacrifice héroïque du père fondateur d’un véritable État africain. Lui mort, les Blancs ont pu librement asservir l’Afrique : « Nous deviendrons les esclaves de leurs compas et de leurs équerres. Et nos Dieux laisseront faire. Nos intellectuels, dans les bistrots, chuchoteront autour d’une bouteille. Et nos prêtres laisseront faire. Et nos frères nous frapperont pour une poignée de riz […]. Nous aurons connu plus de martyrs que les plaines de Judée » ( Les Amazoulous , acte III).
    On constate que le cinéma noir d’Afrique a peu abordé les thèmes historiques qui rappelleraient sa servitude, et guère glorifié ses héros, même si le projet d’un Samori est toujours en chantier. En revanche, les révoltes populaires ont suscité de vrais chefs-d’œuvre ; ainsi, allant contre l’histoire officielle d’aujourd’hui, Sembene Ousmane montre comment, au XIX e  siècle, l’islamisation a pu s’accompagner de tyrannie et d’abus : c’est le thème des Ceddo , ces hommes du refus chez les Ouolofs qui n’admettent pas, notamment, qu’au nom du Coran le conseil des imamss’attribue un droit de regard sur la société tout entière. Les Ceddo avaient enlevé leur princesse, pour signifier leur refus : ils sont vaincus ; la princesse est reprise et promise à l’Imam. Mais, au moment de l’hymen, elle saisit son arme et l’exécute devant le peuple converti de force et qui se solidarise avec elle. Dans ce drame superbe, l’élite musulmane s’est sentie agressée. Mais le colonisateur français aussi, car le Blanc apparaît ici sous la figure d’un Père : son seul souci est l’idéal d’une Église noire pour tous ; poursuivant sa chimère, il est absolument indifférent au sort des Ceddo, à leur destruction, à leur volonté de survie.
    Mais les films sur la résistance anticoloniale sont rares, tel Si les cavaliers , de Bakabé Mahamane (1982), un film qui évoque la résistance et le complot manqué d’un sultan local contre l’occupation française au Niger, en ce début de siècle. Car la grande majorité des films africains

Weitere Kostenlose Bücher