Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
s’ajoutent toute une série de forfaits ultérieurs : cela se vérifie aux costumes portés par les « plaignants » et qui datent de tous les âges : un soldat du XVI e siècle, un évêque du XVII e siècle, un policier de l’époque de Salazar… Car, chaque siècle, les fils du Maître ont commis de nouveaux crimes, de nouvelles injustices — cette comédie est aussi le procès de toute la colonisation.
Contre-histoire de la résistance africaine : Samori, Chaka…
Dans les histoires de la colonisation, on oppose volontiers le cas du Portugal, avec ses comptoirs commerciaux, et celui de l’Espagne dotée d’un véritable empire territorial. L’opposition, certes, a pu exister, mais l’explication vraie fait défaut. Car, au Brésil, c’est bien un empire territorial que construisirent les Portugais.
La vérité est qu’au Brésil les conquérants ne se heurtèrent qu’à des tribus éparses, alors qu’en Afrique noire lespeuples du Mali, du Congo, etc., les empêchèrent de s’installer en profondeur ; ce que les Portugais réussirent deux siècles plus tard en Angola et au Mozambique, tout comme les autres Européens dans les diverses régions de l’Afrique.
Ainsi, il faut faire le compte de la résistance africaine, que l’historiographie européenne a effacée, pour expliquer ce qui au XVI e siècle put freiner les conquérants ; même si l’Afrique ne présentait pas le même intérêt commercial que l’Inde ou le Brésil, n’ayant ni poivre ni cacao, ni tabac, mais seulement la malaguette, une épice qui n’eut guère de succès.
Mais l’Afrique noire possédait des esclaves qui valaient toutes les épices réunies.
Ce n’est donc pas l’absence d’intérêt pour l’Afrique qui a arrêté la progression des divers colonisateurs du XV e au XIX e siècle, voire leurs choix commerciaux, mais bien la capacité de l’Afrique à se défendre — autrement les Européens eussent assuré leur domination sur des territoires entiers, comme le montrait le précédent des Canaries, et plus tard du Brésil.
La vérité est que, maîtres de la mer, les Portugais et autres Européens étaient vulnérables sur terre et surtout sur les rivières.
Très manœuvrables, les pirogues et autres navires africains étaient à la fois rapides et susceptibles de porter jusqu’à une centaine de guerriers. Une première alerte eut lieu en 1446 qui avertit les Portugais de Nuno Tristao du danger que représentaient les flottilles de Sénégambie ; son expédition connut un triste sort, et d’autres firent la même expérience jusqu’à ce que le roi du Portugal envoie Diego Gomes pour négocier les conditions d’une installation sur la côte. Or, le Mali et ses voisins dominaient tout un système de fleuves et de rivières autour du Niger, du Sénégal, de la Gambie, et ce fut l’action combinée des flottilles armées qui arrêta les envahisseurs. Ce fut également cette résistance militaire qui obligea les Européens à négocier la manière dont s’opérait le trafic avec les populations. Ainsi, le roi du Kongo fit savoir à Joao Alfonso, un marchand portugais au service de François I er ,à quelles conditions on pouvait pénétrer dans le Zaïre. Un traité dûment négocié fut à l’origine de la première installation des Portugais en Angola (1571), où fut contrôlée, également, la façon dont s’opérerait leur commerce dans ces régions, la traite notamment.
A FRIQUE : L ’ H ISTOIRE SANS L ’ E UROPE
Dramatique et cruelle, la traite des Noirs a marqué l’imaginaire des sociétés : celui des Africains transplantés aux Amériques, bien sûr, mais celui des Européens aussi qui, après coup, ont nourri une culpabilité, un peu tardive il est vrai, mais qui a commencé à se manifester dès le XVIII e siècle, comme il a été montré.
L’immoralité de cette déportation massive a obscurci souvent l’examen des conditions réelles de ces départs aux Amériques, données qui n’atténuent en rien l’horreur de ce trafic, précisons-le tout de suite, mais que l’analyse historique ne doit pas cacher pour autant.
En premier lieu, il faut rappeler que la traite vers les Amériques s’est greffée sur une traite qui préexistait à l’arrivée des Européens en Afrique et qui fournissait le monde arabe et maghrébin. Avelino de Teixeira da Mota notait ce détournement au passage d’Arguim, dès le XV e siècle, avant la découverte de
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