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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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toutefois, l’idolâtrie fit des emprunts à l’Église, tant par des formules telle l’invocation trinitaire que par des gestes comme le signe de croix. Peu à peu pourtant, l’idolâtrie cède du terrain au christianisme indigène, qui sous la direction d’hommes-dieux prend la forme radicale des mouvements messianiques contre la domination coloniale en annonçant l’élimination des incroyants, c’est-à-dire les Espagnols. La sorcellerie assura ainsi le relais entre l’idolâtrie coloniale et le christianisme indigène.
    A Sao Tomé, comme au Pérou, le folklore dénonce…
    Ultime forme de la résistance à la conquête, une part irréductible de l’imaginaire a pu survivre. Il se manifeste aussi bien dans La Danse de la Conquête , au Pérou comme au Guatemala, que dans le Tchiloli , ou Tragédie de l’empereur Charlemagne , à Sao Tomé, la plus ancienne colonie portugaise d’Afrique noire.
    On doit à Nathan Wachtel la première analyse structurale de la mort d’Atahualpa et de la danse de la conquête, ce thème poétique et chorégraphique largement répandu chez les Indiens des Andes, une pièce en quechua archaïque et jouée depuis le XVI e  siècle. La représentation coïncide avec une fête chrétienne, pendant le Carnaval. Les acteurs sont partagés en deux groupes, d’un côté les Indiens, de l’autre les Espagnols : les princesses indiennes formant le chœur portent des robes blanches et brodées ; pour rehausser leur prestige, aujourd’hui elles mettent des lunettes de soleil. L’Inca a pour attribut un sceptre orné de tresses de laine rouge dont il frappe une plaque de métal. Le devin est accompagné d’un acteur revêtu d’une peau d’ours. En face, les Indiens jouant le rôle des Espagnols s’accoutrent de casques semblables à ceux du temps de la Conquête, de cuirasses du temps de l’indépendance, ou d’uniformes de l’armée actuelle.
    L’action commence par l’annonce d’une menace : le dernier Inca Atahualpa raconte aux princesses le rêve qui l’a troublé : il a vu le Soleil, son père, voilé par une fumée noire. Et voilà qu’on lui annonce l’arrivée de guerriers barbus, vêtus de métal, venus pour détruire son royaume.
    Puis, des rencontres préliminaires ont lieu au niveau des serviteurs et des lieutenants. L’épisode central met en présence le chef indien et le chef espagnol. L’Inca meurt, des lamentations se font entendre de partout, et le roi d’Espagne surgit, tel le Commandeur, pour châtier Pizarre.
    Au travers du drame, on note qu’Indiens et Espagnols, en communiquant, ne se comprennent pas — quand un Espagnol ouvre la bouche, aucun son n’est émis, et de cette incompréhension naît la colère de Pizarre, tandis que, sans Atahualpa, ses sujets sont perdus, et la Terre ne communique plus avec le Soleil.
    La Tragédie d’Atahualpa est un exemple, La Danse de la Conquête en est un autre, mais leur structure est similaire, déformant les faits historiques, certes, mais en en respectant une certaine logique qui retranscrit ce qu’ont ressenti les contemporains de la Conquête.
    La violence en est son cœur. A Sao Tomé, dans le golfe de Guinée, ce serait plutôt l’injustice. Mais, dans les deux cas, la multiplicité des accoutrements représentant de scène en scène les différents siècles passés depuis la Conquête témoigne bien que, hormis les costumes, rien n’a changé dans le comportement du vainqueur…
    En Afrique aussi, la résistance à la colonisation aurait commencé avec la colonisation elle-même — dès que celle-ci a été ressentie comme une agression, comme une oppression.
    Aux origines, on en trouve l’expression dans ce qui fut, en quelque sorte, la première colonie, Sao Tomé, île minuscule dans le golfe de Guinée, portugaise, naturellement. Il s’agit d’une pièce de théâtre, le Tchiloli , jouée par tous les habitants de l’île, noirs évidemment. Cette pièce s’appelle la Tragédie de l’empereur Charlemagne , et elle date du XVI e  siècle.
    Bien entendu, Charlemagne n’est jamais venu à Sao Tomé. Mais, pour les habitants de l’île, il incarne le roi du Portugal qui les a amenés de force ici. Et Charlemagne doit juger son fils, qui a commis un crime, et son fils est nécessairement un Portugais.
    Or l’intérêt de cette pièce, jouée tous les ans depuis plusieurs siècles, c’est que le nombre de ses épisodes s’accroît avec le temps, car au crime initial

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