Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
portent sur la déchéance des Africains victimes du « néo-colonialisme » — depuis la décolonisation.
Le passé colonial au regard du cinéma algérien
Le contraste est saisissant entre le cinéma africain et le cinéma algérien. Plus que tous les autres, au Maghreb et en Afrique, il évoque le passé colonial, les humiliations vécues du temps des Français : pendant deux longues décennies, c’est le cinéma du ressentiment… Et puis, chez quelques-uns, on observe un changement de regard sur l’époque des Français…
Définissant les trois cinémas du Maghreb dans Cinéaction , Ferid Boughedir formule ainsi leur différence : « Au Maroc, c’est la plainte silencieuse, J’étouffe, j’étouffe, c’est le Moyen Âge ; comment écarter ces murailles, déchiffrez ce que j’ai à dire. Ce cinéma parle du présent. En Tunisie, c’est la recherche de vérité : le tourisme — parlons-en —, l’émigration — voyons cela —, la condition de la femme —, il faut la connaître. Ce cinéma-là aussi parle du présent… Il se fait sociologue politique. Le cinéma algérien parle dufutur, mais plus encore du passé. Nous fûmes un grand peuple… Ayons confiance en nous. Ce cinéma exprime la dignité de l’humilié. »
Ce qui l’a marqué le plus, d’abord, c’est l’expropriation par l’administration française — dans Chronique des années de braise , 1975, de Mohammed Lakhdar Hamina, dans Les Déracinés , de Lamine Merbah, qui analyse la dépossession des fellahs de l’Ouarsenis, dans La Nuit a peur du Soleil , de Mustapha Badie… La collaboration de certains potentats locaux avec les autorités est également un thème récurrent tant au cinéma qu’à la télévision, tout comme l’exploitation des mineurs, dans Sueur noire . Mais c’est surtout la résistance du peuple algérien qui est objet de mémoire — depuis Les Hors-la-loi , de Temfik Farès, en 1969, qui montre comment la première administration coloniale ne peut remplacer le code de l’honneur en vigueur en Algérie par le Code Napoléon. C’est ainsi que ceux qui sont fidèles à ce code de l’honneur, devenus bandits, taxés de hors-la-loi, incarnent le refus de l’ordre colonial. Surtout, de Temfik Farès et Mohammed Lakhdar Hamina, le cinéma algérien produit, en 1966, un chef-d’œuvre, Le Vent des Aurès , l’histoire tragique d’une famille détruite par la guerre. Le fils assurant, après la mort de son père, le ravitaillement d’un maquis, est arrêté. La mère, inlassablement, part à sa recherche, de caserne en camp, une poule à la main pour obtenir, en échange de cette offrande, de pouvoir seulement voir son fils. Elle meurt, électrocutée par les barbelés du camp où il est interné…
Cette représentation met en valeur trois aspects de la colonisation ressentis comme particulièrement intolérables : la dépossession, la déculturation, l’exploitation. Elle perpétue l’idée que jamais les Arabes et Kabyles d’Algérie n’ont accepté le joug de l’étranger. On oublie ainsi l’époque du « royaume arabe », de la collaboration qui fut en partie acceptée, comme fut acceptée par beaucoup l’idée d’intégration, conçue par Napoléon III — et on met en valeur les soulèvements. Le plus important fut l’insurrection de 1871, dite « de Kabylie » par la tradition coloniale, alors qu’en fait elle souleva 250 tribus, au total près du tiers de la population algérienne. Au vrai, laplupart des chefs djouad s’agitaient depuis que l’administration les avait dessaisis de leur pouvoir… Il s’y ajoutait une « révolte des classes inférieures » que révèlent les appels de la conférence des Darquawa, « qui respirent une haine féroce des Français » (1864). Les progrès des colons, l’affaiblissement des officiers — qui comprenaient mieux les sentiments de l’aristocratie arabe —, l’annonce de la généralisation du régime civil affolent les « indigènes » qui voyaient encore en Napoléon III une sorte de protecteur. Il avait osé dire qu’il se sentait autant « l’empereur des Arabes que celui des Français ». Sa chute et la défaite française en 1870 laissent prévoir une vaste insurrection. Charles-A. Ageron a bien montré, dans Les Politiques coloniales au Maghreb , que, dans ce contexte, le décret Crémieux qui accorde aux Juifs la nationalité française n’a joué qu’un rôle accessoire, pas même de
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