Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
celles des Caraïbes surtout — et, bien entendu, d’avoir des relations avec l’Espagne, le Portugal, la France.
L’acte premier d’un conflit irrémédiable fut le Molasses Act , de 1733, qui imposait des droits prohibitifs à l’entrée de la mélasse en provenance des Antilles françaises, sur plainte des colonies à sucre qui tenaient à avoir le monopole de la fabrication du rhum. En 1750, l’interdiction formulée aux colons de New York et de Pennsylvanie de travailler le fer pour que ne soit pas menacée l’industrie anglaise — tel fut bien le deuxième acte d’un antagonisme qui se développait en puissance, même si une certaine négligence programmée, pendant les guerres notamment, permit d’éviter un vrai conflit. Ce compromis put durer pour autant que la menace française jouait contre d’autres colons qui cherchaient des terres plus à l’ouest.
Mais un sentiment de rivalité naissante et irrémédiable est en train de naître, et dès la signature du traité de Paris où la France cède le Canada à l’Angleterre ; Londres voudrait faire payer cette sécurité, pour partie au moins, aux Américains qui sont bénéficiaires de la paix. Mais ceux-ci montrent les dents et osent organiser le boycott des marchandises anglaises. « La Nouvelle-Angleterre est, pour l’avenir, plus à redouter que l’ancienne », écrit Accarias de Serionne dans Intérêts des Nations de l’Europe développée relativement au commerce , en 1766.
Le point important est sans doute que, au moment où les Anglais veulent resserrer leur contrôle sur le commerce américain et atlantique, leurs colonies de Nouvelle-Angleterre souhaitent précisément le desserrer ; et même y mettre fin, mais pas tellement pour des raisons d’ordre économique, car elles avaient tiré de larges profits de l’interlope qui avait fonctionné depuis plusieurs décennies. Les vraies raisons sont d’ordre politique : les Yankees veulent avoir leur liberté de mouvements. Or, ils observaient d’une part qu’ils n’avaient jamais payé d’autresimpôts que ceux qu’ils avaient consentis eux-mêmes ; d’autre part qu’en métropole les sujets de Sa Majesté étaient représentés au Parlement — et pas eux. Ils s’indignaient que, sans les consulter, Lord Shelburne eût interdit l’établissement de colons au-delà des Alleghanys, dans les terres conquises sur les Français, sans doute pour éviter des guerres avec les Indiens ; mais cela lésait des promoteurs spéculateurs et capitalistes, tels le riche planteur George Washington ou encore Benjamin Franklin.
Le deuxième point important est qu’en Angleterre on prenait le parti des colons au nom des libertés, en jugeant que, grâce à ses victoires, la Couronne s’était monté la tête et se montrait de plus en plus arrogante vis-à-vis des droits des citoyens. Si les colonies se laissaient appliquer les lois et décisions sans protester, n’en serait-ce point fait, demain, des libertés anglaises ? C’est pour prévenir l’éventuel séparatisme des colonies qu’il fallait faire des concessions à ses habitants, Anglais pour l’essentiel.
Devant cette pression, Lord Grenville retira son Stamp Act , un impôt intérieur contesté par les délégués de 9 colonies d’Amérique du Nord ; mais on lui substitua un Declaratory Bill qui déclare le droit du Parlement de légiférer en toutes choses aux colonies — donc de les taxer. Certes, les épées étaient mouchetées mais, peu à peu, la tension montait de chaque côté de l’Atlantique, même si de part et d’autre on trouvait à la fois des radicaux, prêts à en découdre, et des loyalistes, volontiers soumis… Contre les ministres qui voulaient pratiquer des sanctions, on retrouvait aussi bien Pitt et Burke, en Grande-Bretagne, que George Washington, en Virginie, et Dickinson, à Philadelphie.
Ainsi, le tour pris par le conflit avait des accents révolutionnaires. Mais, sauf chez quelques radicaux américains, le conflit n’avait certainement pas pour enjeu la sécession. Et aussi bien à Londres, où d’aucuns pouvaient juger que le pouvoir poussait les Américains vers la séparation, rares étaient ceux qui prononçaient le mot d’indépendance ou en imaginaient l’éventualité.
Pourtant, les incidents se multipliaient, où Anglais et Américains se trouvaient face à face : soldats anglaisexerçant des représailles contre des citadins hostiles à leur présence (massacres de
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