Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
enjeux de la révolte des colons d’Alger en 1871 avec ceux de 1958. Les données, au reste, sont différentes.
Il reste que, d’un bout à l’autre de l’histoire de la colonisation, les mouvements de colons ont leur logique et leur spécificité.
Dans les possessions espagnoles, ils se dressent d’abord contre le mouvement lascasien, contre la protection que la métropole ou l’Église veulent assurer aux indigènes. On retrouve ces traits ailleurs.
Un précédent, le mouvement pizarriste en Amérique espagnole (1544-1548)
Lorsque le premier vice-roi du Mexique, Don Antonio de Mendoza, céda la place à son successeur, il rendit compte, clairement, de l’incompatibilité qui existait entre le désir de la Couronne de protéger les Indiens et celui d’accroître les revenus en provenance des Indes. Certes, la Couronne voulait préserver ce qu’on appelait la « republica de los Indios », menacée par les excès et déprédations des conquistadores et nouveaux colons, qui pressuraient d’autant plus les indigènes que ceux-ci étaient de moins en moins nombreux, eu égard aux violences et maladies dont ils étaient les victimes. Ils étaient les maîtres sur le terrain : or, depuis la métropole, ils recevaient des instructions qui, sur le papier, émanaient du Conseil des Indes dont les 249 membres — depuis sa fondation jusqu’en 1700 — étaient des « Letrados », juristes pour la plupart, parmi lesquels 7 seulement mirent le pied en Amérique. Entre cet amoncellement d’instructions et les colons, les vice-rois et 35 gouverneurs provinciaux manœuvraient, appliquant plus ou moins les décisions de l’Escorial.
L’enjeu de la guerre déclarée au vice-roi du Pérou, Blasco Nunez Vela, est apparemment l’application des lois de 1542 qui dépossédaient les conquistadores de certains de leurs privilèges. Le vice-roi était-il ou non lascasien ? se demande Marcel Bataillon. De toute façon, depuis les lois de Burgos en 1512, les conquistadores avaient pris l’habitude d’éluder les entraves légales mises à l’exploitation des Indiens, au travail forcé, au partage. La protestation contreleur mise en surveillance par l’institution d’une audiencia avait commencé au Mexique, mais il était clair qu’on aurait fort à faire pour mettre au pas des hommes prêts à tout contre la justice, « comme des gens coupables d’un crime et qui s’attendent à être pris ». Mais, que le vice-roi veuille vraiment protéger les Indiens ou non, les dérobades et trahisons de ceux qui devraient collaborer avec lui l’empêchent d’aboutir. Déjà, les magistrats envoyés de la métropole ne songeaient, en arrivant, qu’à faire fortune, et leur collusion avec les colons ne se faisait guère attendre. Ces officiers de justice réagissaient comme eux à la loi nouvelle qui déclarait les colons inaptes à avoir des Indiens en encomienda .
En révolte contre cette loi, Gonzalo Pizarro, le parent du conquérant, leur montre les atteintes qu’elle porte aux droits et privilèges des conquistadores, « sans laisser poindre nul soupçon que les Indiens puissent avoir des droits ». Procurador de Cuzco, il se fait élire capitan general , puis justicia mayor , puis gouverneur par intérim. Quand la guerre éclate avec le pouvoir légal, Pizarro demande à ses lieutenants « de ne pas faire périr d’Indiens qui restent, parce que sans eux ce pays ne serait rien ». Il s’agit d’empêcher une expédition partie du Chili contre lui de rafler des Indiens, car il n’y en aurait plus… pour travailler. Mis en demeure de choisir entre Gonzalo Pizarro et le roi, comme « donneur d’Indiens » ou d’autres faveurs, les conquistadores ont hésité et basculé, se ralliant finalement au monarque, car les solidarités entre hommes de proie sont souvent fragiles. Et l’Église intervint, cette fois pour assurer que le pardon serait accordé, qu’au reste l’application des « maudites lois » serait réexaminée.
Autre objet de colère pour les colons, les établissements de jésuites qui, eux aussi, leur « soustrayaient des Indiens ».
L E DÉFI DES JÉSUITES AU P ARAGUAY
Un des accomplissements des jésuites fut la constitution de redduciones , véritable alternative aux méthodes habituelles de la colonisation et de l’évangélisation que l’Égliseavait pratiquées jusque-là en Amérique indienne. Les jésuites osèrent proclamer qu’ils avaient
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