Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
« bourgeois », le Mouvement de la Paix ou le PCA s’attachaient moins à leur ralliement. Au reste, comme ils passaient pour l’expression de la bourgeoisie, les UDMA étaient par conséquent « sans avenir », et jugés avec une certaine méfiance. Or, les communistes, si vigilants devant la dérive « bourgeoise » de l’UDMA, fermaient les yeux sur l’attachement des MTLD à l’Islam ; en revanche, les socialistes (français ou arabes) se voulaient laïcs, vraiment laïcs, même si les premiers, grossis des réfugiés républicains espagnols, étaient nombreux, et si les seconds l’étaient moins. Au parti socialiste comme au MTLD et à l’UDMA, il existait pourtant de forts contingents de militants arabes qui avaient l’esprit laïc : leur attachement à l’Islam portait sur les aspects de sa pratique qui tiennent à la défense de l’identité arabe, plus qu’à une idéologie proprement musulmane.
A cette date, les communistes algériens étaient ainsi greffés sur les luttes que l’on menait en France ; et, pour que leurs organisations grossissent et pèsent plus lourd sur la société algérienne, ils cherchaient à nouer une alliance avec les Arabes, soit en voulant ignorer leur attachement à l’Islam, soit en résistant à leurs aspirations spécifiques. Superficiellement, on pouvait même juger que les communistes étaient tout à fait hostiles à ces aspirations pour autant qu’elles risquaient de compromettre le maintien des liens des départements dans la République française. Quelques incidents exprimaient ce désaccord fondamental. Lorsque, fin 1949, le MTLD proposa au PCA une action commune sur la base d’une déclaration énonçant les droits du peuple algérien, et affirmant « que tous les peuplescoloniaux sont en état de guerre » contre le « colonialisme », le PCA refusait de s’y associer, bien qu’une déclaration sur les droits du peuple algérien ait été lue au Congrès des Peuples pour la Paix. A Oran, pourtant, PCA et MTLD signent un texte commun, mais il n’est pas publié ; les communistes et les « centralistes » du MTLD ne sont associés que pour lutter contre la répression qui condamne 195 militants lors des procès de juillet 1951 : il est vrai que les élections « à la Naegelen » aboutissent, sur ce point aussi, à un accord contre les socialistes qui, en France également, participent à la répression.
Cette situation s’explique dans la mesure où l’électorat communiste est européen , étant donné l’existence de deux collèges électoraux. Dans ces conditions, même s’il comprend des Arabes à son bureau, le PCA n’a que des élus européens, et ils sont nombreux puisque les communistes ont recueilli jusqu’au cinquième des voix à Oran. Paradoxalement, le PCA est ainsi dominé par des Européens alors que l’UGTA, le syndicat, français de statut, est peuplé par une majorité d’Arabes… qui peuvent aussi bien être membres d’autres partis politiques arabes : MTLD, UDMA, etc. Voulant s’algérianiser, le PCA finit par modifier alors la composition de ses instances dirigeantes : dès le 6 e Congrès de 1952, les délégués musulmans y deviennent majoritaires. Il en va de même, ensuite, des adhérents, mais pas des électeurs…
Or, au moment où le Parti commence à retourner sa position, où il veut constituer un Front anti-impérialiste pour l’indépendance — que les partis musulmans rejettent —, et se rallie au slogan d’une République démocratique algérienne où il n’est même plus fait référence à l’Union française, à ce moment-là, la masse de l’électorat pied-noir est complètement hostile à toute émancipation des Arabes qui pourrait mettre en cause le monopole que les Européens exercent sur la vie politique, ou plus exactement sur ses formes représentatives ou parlementaires. Seuls quelques intellectuels ou membres de professions libérales, membres du PCA, font exception, connaissant les aspirations fondamentales des organisations nationalistes, ce qui les place dans une situation de porte-à-faux ; ce qui n’estpas le cas des catholiques de gauche d’opinion similaire, mais sans « ambition électorale ».
En 1952-1954, l’écho retentissant du mouvement national, successivement en Iran (Mossadegh), en Égypte (Nasser), en Tunisie (Salah Ben Youssef et Bourguiba), au Maroc (retour de Mohammed V), donne une impulsion extraordinaire au mouvement national
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