Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
indigènes, selon les différentes estimations. Plusieurs douars furent rasés, 44 mechtas détruites ; le souvenir des « massacres de Sétif » demeura très vivant chez les nationalistes — mais ni les Européens d’Algérie ni les métropolitains n’en eurent un écho véritable. Parce que, de fait, la répression, menée du temps de De Gaulle et sur son ordre, fut appliquée alors que Charles Tillon, un communiste, était ministre de l’Air et de l’armement ; ce n’est pas lui qui intervint directement, mais il ne démissionna pas à la suite de ce drame dont il eut connaissance. L’opinion française — dans l’ivresse des fêtes de la victoire — en fut-elle vraiment informée à cette date-là et en eut-elle, plus tard, vraiment conscience ?
Pas de terrorisme généralisé , indique le rapport d’Aït Ahmed. De fait, celui-ci se développe les années suivantes quand la réponse de la métropole aux aspirations algériennes déçoit des militants qui se jugent dupes, trahis (élections truquées, arrestations, répression, etc.). Certains coups de main, telle l’attaque de la recette principaledes PTT, à Oran, en 1949, furent présentés aux Européens comme des actes de délinquance alors qu’il s’agissait, pour le PPA, d’avoir de l’argent (et des armes) ; mais bientôt le terrorisme devint plus systématique, grâce aux premières armes acquises, car il est clair que les moyens dont dispose le PPA et l’OS — son organisation militaire — se sont multipliés. Selon Boudiaf, le premier lot de 300 armes vint de Libye, et le deuxième comprend 20 mitraillettes, 30 colts, 5 fusils de guerre et 2 caisses de grenades offensives…
Cependant, le terrorisme ne va cesser de se développer, avant comme après l’insurrection de novembre 1954. On peut lui attribuer plusieurs fonctions. Sous sa première forme — attaque de bâtiments publics, par exemple —, il veut manifester son hostilité au régime colonial, à ceux qui l’incarnent. Sous sa deuxième forme — l’attaque d’un autocar dans les gorges de Tighnimine où un instituteur français, Monnerot, est assassiné —, il veut signifier qu’en Algérie il n’y a pas de « bons » et de « méchants » Français, tous sont à chasser — la valise ou le cercueil. La troisième forme du terrorisme, antiarabe, vise à l’épuration de la communauté militante — pour qu’elle ne comporte pas de « traîtres ». Cette radicalisation, qui aboutit à une véritable tuerie, a été le fait, essentiellement, des activistes à l’encontre des messalistes, après la rupture au sein du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) : comme le dit Harbi, « le messalisme a occupé la place, dans l’univers algérien, que le trotskisme avait dans l’univers stalinien ». La quatrième forme du terrorisme, « aveugle », a visé, dans les autobus comme sur les marchés, une population anonyme, aussi bien européenne que musulmane, afin de montrer l’omniprésence des activistes nationalistes et de créer un climat d’insécurité. Enfin, la dernière forme du terrorisme, à l’adresse des Arabes seuls, a eu pour fonction de créer un climat de terreur, afin de montrer que le FLN, né des ruines du MTLD, était désormais le véritable contre-pouvoir à celui de l’administration française, qu’il prenait sa relève. Le FLN était devenu l’embryon d’un nouvel État, là résidait la « révolution algérienne ».
La guerre commença, le terrorisme frappa de plus en plus fort, indépendamment de la lutte armée entreprisedepuis le début de 1955 ; les actes les plus cruels eurent lieu le 20 et le 21 août, à partir de Collo et Philippeville, où furent exécutés aussi bien des pieds-noirs que des métropolitains ou des musulmans, tel Abbas Alloua, le neveu de Ferhat Abbas. Il s’agissait, pour le FLN, de faire disparaître tous les interlocuteurs possibles de la nouvelle autorité française, Jacques Soustelle, et notamment les bénéficiaires du plan de redistribution des terres mis en place par le gouvernement…
Ce furent ces massacres du 20 août qui décidèrent les leaders nationalistes modérés à s’aligner sur les positions intransigeantes du FLN ; et qui — côté français — retournèrent la position de Jacques Soustelle, qui stigmatisa « la confusion mentale » de l’opinion métropolitaine : « Pacifistes qui condamnent la violence chez nous et
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