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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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spécialiste de Kant, devientchef du personnel de l’université et y recrute les premiers noyaux du futur Sendero, aboutissement de la n-ième scission des maoïstes. Cette condamnation du terrorisme « aveugle » paraît une subtilité bien théorique si on lui oppose les milliers d’assassinats commis contre des « innocents » ; mais la doctrine et la tactique commandent. La confiance dans l’extension inéluctable du mouvement rend inutile ce recours qui aliénerait les sympathies de certains milieux intellectuels. Ceux-ci sont déjà bien assez effrayés par la terreur et le terrorisme actuels, dits « sélectifs » ; ils en condamnent les excès, mais pas avec force, car, dans de nombreux domaines, ils partagent les analyses du Sendero. On reviendra sur ce point. Quant à la doctrine, elle considère que la justice ainsi accomplie n’a pas été du terrorisme « aveugle », car les « victimes » étaient des « chiens » qui agissaient contre l’accomplissement de la révolution. Pour le comprendre, la référence obligatoire est ici la Révolution bolchevique, la Tchéka : son fonctionnement rend intelligible la doctrine du Sendero. La Tchéka ne juge pas, elle frappe , disait Dzerjinski, à la manière de Saint-Just. Il disait également que la Tchéka n’a pas à savoir si un citoyen est innocent ou coupable, ni même quelles sont ses « opinions » : c’est son appartenance à une classe qui définit son rôle — et par conséquent son sort. Du seul fait qu’il règne, Louis XVI est coupable , écrivait déjà Saint-Just au procès du roi ; du seul fait qu’ils servent l’État ou la politique du gouvernement, consciemment ou pas , certains paysans sont coupables et doivent être frappés. Exemple : si le Sendero commande d’« affamer la ville », tous ceux qui dès lors ne se limitent pas à pratiquer des cultures ou de l’élevage d’autosubsistance sont coupables et doivent être châtiés. Inversement, furent également assassinés, à la mi-novembre 1987, 17 paysans qui, sous la pression des autorités « légitimes », avaient abandonné la culture de la coca pour pratiquer des cultures vivrières ; or, le Sendero veut préserver la production de la coca, car il bénéficie en partie du produit de sa vente ; d’où le surnom que lui attribuent les autorités, les « narco-terroristes ». De sorte que cette terreur exercée sur les paysans par le Sendero — et qui paraît aveugle — en fait ne l’est pas : elleest fonctionnelle . Mais qui s’y reconnaîtrait ? L’extrême cruauté et la violence des actes criminels commis par le Sendero frappent des populations hébétées, qui ne savent plus quels sont les coups les plus à craindre, ceux des forces années — qui viennent les défendre — ou ceux du Sendero, le plus souvent mortels. Sur ce point, du reste, le gouvernement issu des élections démocratiques est amer et, au début des années quatre-vingt, le président Belaunde a pu parler d’un « complot de l’étranger » : en effet ; sous prétexte qu’il ne stigmatise que les crimes des États, Amnesty International aurait été plus prompt à rendre publiques et à dénoncer les « bavures » des forces armées qu’à rendre compte des crimes du Sendero, pourtant plus nombreux et autrement plus sanglants…
    Là où il ne s’est pas imposé encore comme un véritable pouvoir ni même comme un contre-pouvoir, c’est-à-dire hors de la zone d’Ayacucho et d’une partie de la sierra plus au sud, le Sendero entretient le trouble par des actions spectaculaires — couper les lignes téléphoniques, plonger une cité dans le noir en faisant sauter la centrale électrique ou un réseau, comme à Lima, constituent ses armes psychologiques préférées. Même si le président Garcia est dynamique, populaire, le régime démocratique paraît terriblement vulnérable, impuissant surtout, malgré les expéditions militaires menées dans la montagne. A Lima, il est frappant de voir que, faute de pouvoir protéger efficacement les services publics, la police transforme ses commissariats en blockhaus, cherchant avant tout à se protéger elle-même ; à l’intérieur, il arrive que la troupe ou des gardes civils évitent de passer la nuit dans des postes et autres gendarmeries, ils préfèrent bivouaquer, se sentant ainsi plus à l’abri. En outre, tenter de multiplier les bénéficiaires de la réforme agraire en cours pose des

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