Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

aussi, le partage des pouvoirs ; et, devant son impuissance, le centre légifère et exécute aussi… Les problèmes d’identité constituent seulement une variable mobile du problème du pouvoir. C’est notre sixième proposition .
    Le problème du conflit entre le pouvoir central et le pouvoir représentatif à la base — hier, les soviets, demain, un autre — recouvre ainsi bien d’autres problèmes — à moins qu’aux instances locales ne soient reconnus de vrais pouvoirs d’exécution. Or, aujourd’hui le système des pouvoirs locaux — c’est-à-dire celui dont la composition a le moins changé depuis la perestroïka et le coup d’État — constitue l’épine dorsale de l’opposition et du séparatisme identitaire, de l’opposition aux réformes. Les présidents des ex-soviets de région sont, à 80 %, issus de l’appareil du Parti. Après l’épreuve de force, sanglante, entre Eltsine et le Parlement, ils pourraient être éliminés (septembre 1993).
    Étrange parcours… La nomenklatura cherche à prendre sa revanche par le canal du pouvoir représentatif au nom des intérêts des citoyens dans leur région, suscitant un réflexe identitaire, et, ici ou là, un nationalisme anticentraliste ; d’où les concessions qu’Eltsine doit faire aux adversaires du marché, qui hier cherchaient à abattre Gorbatchev, le premier pratiquant peu à peu la même politique en zigzag que son rival abattu — et prédécesseur.
    Ces propositions montrent bien que le repli identitaire, ou la naissance d’une nation, liés le plus souvent à des considérations ethniques ou ethno-linguistiques, ou religieuses encore, peuvent fort bien être associés à des considérations d’ordre proprement gouvernemental, ou politique, ou idéologique naturellement — croisées ou non avec les précédentes. En Tchétchénie et à Omsk, à Mourmansk ou au Kouban, l’autonomisme croise toutes les données, indépendamment de la nature ethnique des populations concernées.
    Ce qui tendrait à prouver qu’une nation est une formation à la fois permanente… et transitoire.
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    1 .
Cf. ici .
    2 .
Cf. ici et ici .
    3 .
Texte inédit cité dans notre Pétain , Fayard, 1987, p. 527.

CHAPITRE XI
La décolonisation télescopée
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    Ces peuples libérés s’imaginaient que « des ruines surgirait un ordre nouveau », et que l’instabilité née de ces luttes de libération cesserait. Or, « la violence des soldats et officiers, héros de la victoire, leur orgueil, leur appétit de puissance aboutirent à une militarisation du pouvoir dont furent victimes les classes urbanisées […] ». « Même si ce mouvement aboutit à une relative démocratisation du système politique en place » […], les inégalités d’hier firent place à d’autres, assurant la promotion de quelques-uns […]. » Au total, les régimes qui s’instituèrent furent tels « qu’ils discréditèrent ceux qui avaient été les chantres d’un changement, les élites et classes moyennes urbaines, à l’origine de cette prise de conscience qui avait conduit à l’indépendance ».
    Ce diagnostic semble extrait tout droit de l’ouvrage de René Dumont, L’Afrique noire est mal partie (1962). Il n’en est rien. Il rend compte de la situation, un siècle plus tôt, en Amérique « latine », au lendemain des guerres d’indépendance, et a pour auteur l’historien argentin Tulio Halperin Donghi. On observe ainsi que l’indépendance-colon et les mouvements de libération des peuples colonisés ont pu aboutir à des effets similaires, au moins à court terme . De fait, quelques-uns de ces traits se retrouvent également dans bien d’autres pays que ceux de l’Afrique noire, indépendants depuis le milieu du XX e  siècle.
    Une des raisons de cette similitude est que les mouvements d’indépendance du XIX e et du XX e  siècle ont pu à la fois être dépassés par une survivance dévoyée des rapports précoloniaux et télescopés par un mouvement plus ample, et qui n’a cessé de se renforcer…
    Certains traits d’une histoire précoloniale resurgissent, modifiés toutefois par le passage de la colonisation. On les a rencontrés dans le Haut-Pérou, où renaissent des conflits antérieurs à la conquête, que celle-ci a, en quelque sorte, « conservés » ; en Indochine aussi où le Vietnam, à peine libre, a voulu remettre la main sur le Laos et le Cambodge. On les rencontre aussi au Caucase où ils ont