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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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indirectement du travail de ce prolétariat de la périphérie, de cette délocalisation, une partie croissante de la population active des pays développés devenant improductive ou parasitaire.
    Mais là apparaît la différence entre, d’une part, les États africains qui n’en ont guère tiré avantage, et, d’autre part, certains pays latino-américains ou asiatiques qui, au contraire, ont su obliger les investisseurs à abandonner une fraction croissante de leurs profits aux gouvernements et classes dirigeantes locales. Ils ont pu, à temps, se greffer sur les processus de mondialisation de l’économie, en être partie prenante, et même, à Singapour, ou Taïwan, participer à sa gestion — à l’égal des grandes puissances économiques. Aujourd’hui, la Malaisie importe des travailleurs étrangers…
    De sorte que la différenciation qui s’est opérée entre telle et telle ancienne colonie depuis son indépendance, tout comme les problèmes dont ont hérité les métropoles ne sauraient s’expliquer seulement par des relations bilatérales, néo-coloniales, ou par le néo-impérialisme, mais par des phénomènes plus généraux, qui, telle l’industrialisation au XIX e  siècle, ont télescopé la décolonisation.
    « L’essence du néo-colonialisme, écrivait Nkrumah, dès 1965, tient à ce qu’un État qui est indépendant en théorie et doté de tous les attributs de la souveraineté, a, en réalité, sa politique dirigée de l’extérieur » ; ce jugement constitue sa première définition par un chef d’État souverain, qui a su percevoir qu’à partir d’un certain stade les puissances ex-impérialistes n’avaient plus intérêt à contrôler « du dedans » les anciennes colonies, mais bien à les « aider » àse développer, et à substituer à une présence visible un gouvernement invisible, celui des grandes banques — Fonds monétaire international, Banque mondiale, etc. Plutôt que de néo-colonialisme, il s’agirait ici de néo-impérialisme. Encore qu’avec la mondialisation de l’économie l’utilisation de ce terme ne soit plus adéquat. Quant à l’expression « impérialisme des multinationales », elle ne rend pas compte de l’interférence de ces intérêts avec ceux des États. Ne vaut-il pas mieux parler d’un «  impérialisme multinational » ?
    Aspects et effets de l’unification du monde
    Un des traits dominants de la colonisation avait été de lancer le processus d’unification du monde et, dans le cadre de cette dynamique, d’avoir accru les écarts entre les pays colonisateurs et les autres. A l’heure de la décolonisation, Josue de Castro a diagnostiqué le trait, en 1967, pour les termes de l’échange. Vingt-cinq ans après, Paul Bairoch l’a confirmé  1 .
    Au vrai, cette greffe fut aussi une mécanique uniformisatrice, mais celle-ci ne fonctionna pas nécessairement lors des rencontres entre civilisations. Certes, ce fut le cas aux Amériques, au Mexique et au Pérou en particulier — même si toute une partie des populations y échappa. Mais, en Afrique, le processus d’intégration fut bien plus tardif, bien que les dispositifs de l’annexion aient été en place dès les XVI e - XVIII e  siècles : il ne devint effectif qu’après les années 1880, plutôt vers 1900-1930, et vraiment insupportable qu’après la « deuxième » colonisation, celle des années cinquante — une évolution qui se retrouve en Angola comme en Afrique orientale. En Inde, le processus d’unification économique du monde n’atteint l’intérieur du pays qu’au premier tiers du XX e  siècle, à partir des villesconstruites sur le littoral, et toute une partie de la société dut surmonter le défi de l’accroissement des écarts. Ce processus d’uniformisation — culturelle, politique même — a rencontré en Inde des résistances très fortes, comme dans une partie du monde islamique d’aujourd’hui.
    Mais c’est l’Extrême-Orient qui a répondu au défi de la colonisation et de l’impérialisme de la façon la plus originale : en dépassant ses préceptes, tout en gardant quelques-unes des formes de sa propre modernité qui n’est pas nécessairement de type occidental. Quant au carrefour javanais, il avait déjà institué, avant l’arrivée de l’Europe, une sorte de « système multinational ».
    Le statut des langues, son évolution, sont révélateurs. Comparons. Première étape : à la colonie, le

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