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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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Français, l’Anglais ou l’Espagnol n’apprennent la langue indigène que pour mieux commander. Deuxième étape : ils hésitent à enseigner aux indigènes la culture métropolitaine pour ne pas risquer de trop les éveiller. Troisième étape : Anglo-Saxons, Français, Russes et surtout Soviétiques développent l’enseignement de leur propre langue pour perpétuer leur avantage technique, économique, politique ou culturel. A la fin du XX e  siècle, nouvelle étape : ce sont les Américains, à leur tour, qui doivent apprendre la langue japonaise pour ne pas être exclus des filiales que l’industrie nippone a plantées aux États-Unis…
     
     
    Alors qu’au XVI e  siècle il existait plusieurs économies-monde — la Chine, l’Occident, le monde islamo-turc —, l’unification s’est effectuée irréversiblement et, aujourd’hui, il n’existe plus guère de zone endoréique en dehors du système.
    Premier phénomène, du XVI e  siècle au XX e  siècle, l’unification du monde s’est accélérée. Durant les générations qui ont précédé la Première Guerre mondiale, et plus rapidement que jamais dans le passé, les distances ont rétréci, le monde n’a jamais semblé si petit. Le commerce et l’expansion européenne ont renforcé les liens entre l’Orient et l’Occident. Les effets de cette unification étaient imprévisibles. Ils n’ont pas concerné que les colonies.
    Ainsi, en Europe même, aux autorités traditionnelles et alors bien identifiées, le monarque, le prêtre, la loi, le patron, la famille, l’officier, s’en sont ajoutées de nouvelles : celles-ci sont anonymes et incontrôlables, certaines liées à l’expansion qui faisaient monter ou descendre brusquement les prix ruinaient l’agriculture traditionnelle, ou encore changeaient la mode (celle des goûts alimentaires aussi bien que des tissus et parures, bientôt des loisirs) ; changements, purement européens, les progrès de la technique annulaient des inventions à peine étaient-elles apparues ou faisaient disparaître des métiers vieux comme le monde.
    Et tout cela au nom du progrès, de la science, de la liberté.
    Or, aujourd’hui, depuis la fin de la « décolonisation », ces phénomènes ont atteint les coins les plus éloignés des centres nerveux du monde. Les hauts plateaux des Andes comme ceux de l’Afrique noire peuvent connaître pareils cataclysmes ; ils se voient ruinés par cette unification des marchés qui a aussi bien ignoré l’émancipation des peuples ex-colonisés que l’aspiration des autres à une autonomie politique ou culturelle : que le maître apparent ait pu être le colonisateur, ou Wall Street, ou Bruxelles, ou le cours de l’or n’y change rien.
    Les effets sont comparables.
    Au début du siècle, en Europe, la masse des citoyens était ignorante des mécanismes qui commandaient à l’économie. Elle l’est demeurée aujourd’hui, mais en a mieux conscience. Dans ce monde incompréhensible, chacun a cherché à échapper à la malédiction qui le frappait. Dans les villes et les campagnes d’Europe de la fin du XIX e  siècle, du début du XX e aussi, on observe le même retour à la religion, un mouvement qu’incarnent en France Charles Péguy, en Russie Vladimir Soloviev, d’autres ailleurs. Mais tous ne sont pas capables de trouver une aide dans la religion ; le développement de la presse des faits divers, dans toute l’Europe au début de ce siècle, témoigne de ce besoin d’évasion. D’autres choisirent l’alcool, ou la mort volontaire, et ce n’est pas un hasard si Durkheim écrivit un livre sur le suicide en 1902.
    Ce sont les premiers signaux d’une perte de repères . Mais un très grand nombre réagit autrement, par un sursaut, par une révolte individuelle ou collective, de sorte que l’émigration et la révolution furent les deux phénomènes, souvent corollaires, associés (on ne l’a pas suffisamment montré) et qui ont constitué une réponse au malheur. Ainsi, la Russie et l’Italie furent simultanément la patrie de Bakounine et de Malatesta, grandes terres d’émigration également, et porteuses de deux réponses à la crise de ce siècle, à la guerre : le communisme et le fascisme.
    Or, depuis la fin des colonies, que voyons-nous ?
    Devant l’incertitude de notre temps et l’incapacité des dirigeants à maîtriser le fonctionnement économique ou social, on assiste à nouveau à une renaissance du mysticisme, une

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