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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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attirance vers l’irrationnel dans nos sociétés occidentales, dont témoigne le succès de toute foi venue d’ailleurs ; et on observe aussi un recours à la drogue qui assure la relève, chez les plus jeunes, de l’alcool de nos ancêtres. Quant aux mouvements collectifs, ils surgissent eux aussi aux croisements de l’émigration et de la révolte, en réaction contre la faillite de la décolonisation, par cette renaissance d’un Islam intégriste dans le monde arabe, turc ou persan.
    Le deuxième phénomène, au reste relié au premier, ne concerne pas seulement les individus mais les nations , les États, les ethnies. Au début du XX e  siècle, les progrès de la concentration géographique des activités industrielles et le développement du capitalisme ont déterminé des phénomènes économiques généraux que n’avait pas connus l’âge préindustriel. Ainsi, l’agriculture anglaise tout entière a vu son destin modifié par les lois libérales de 1846. Ultérieurement, aussi bien la production caféière du Brésil durant l’entre-deux-guerres que celle du sucre à Cuba après 1959 ont été ainsi frappées de mort, tout d’un coup.
    Ont suivi l’effondrement du prix des produits agricoles et des matières premières, la hausse des taux d’intérêt provoquée par la Banque centrale des États-Unis, la crise de la Dette, qui depuis 1982 a abouti à un transfert inverse des ressources, les anciennes colonies transférant aux pays riches plus de ressources financières qu’ils n’en reçoivent.Le commerce international a rarement appauvri des pays entiers, mais il a ruiné les couches sociales qui produisaient de façon traditionnelle ; indépendance ou pas.
    Aujourd’hui, ce sont des pays africains que la spécialisation a complètement ruinés, de sorte que, d’abord en Europe puis, aujourd’hui, dans un grand nombre de pays, chaque nation ou chaque État a le sentiment d’être entouré d’ennemis qui en veulent à sa prospérité, à son développement, à son existence même. Ces sentiments s’exacerbent dès qu’une société transgresse par la violence les usages internationaux qui réglementent son étouffement : l’URSS après 1917, l’Allemagne après 1933, l’Égypte après Suez, Cuba en 1959, l’Iran sous Khomeiny, etc.
    Ainsi, le sentiment national est devenu une des formes de la réaction collective des sociétés face aux phénomènes nés de l’unification du monde, et d’abord économiques ; le mouvement des nationalités en est une variante qui n’est pas liée seulement à l’oppression religieuse ou nationale. On comprend mieux ce trait si on associe le patriotisme des nations, au XX e  siècle, à la résurrection du régionalisme. Le phénomène se saisit sur le vif, dans l’Empire russe, dès l’époque tsariste où, avec la multiplication des lignes de chemin de fer, les colons russes s’installent le long de ces voies ferrées, ce qui suscite des mouvements de résistance pas seulement chez ceux qui ne s’étaient jamais considérés comme des Russes/Finnois, Tatars, Géorgiens, etc., mais aussi chez les Ukrainiens, les Mordves, les Mari…
    On peut juger aujourd’hui qu’entre l’obligation, pour les Ukrainiens, de parler la langue russe et l’interdiction, pour les écoliers français, de s’exprimer en patois, il n’y a qu’une différence de degré, une forme de résistance à la centralisation de l’État. La résurrection du régionalisme provençal ou breton, en 1877, la survivance de la question méridionale en Italie, ou encore le problème sicilien sont des phénomènes de même nature, un patriotisme mais dissocié du temps présent.
    Or, aujourd’hui, le phénomène, longtemps enseveli, réapparaît et s’étend, pas seulement en Corse, en Wallonie, au pays Basque espagnol, où l’existence de la démocratie retire tout alibi à la violence, mais il se manifeste hors dela petite Europe, dans ces pays qui se sont libérés de l’oppression coloniale — ou simplement de ceux qui les dominaient économiquement —, dès que la construction d’un État fort, légitimé par les nécessités de la sauvegarde, a brimé des communautés entières, micro-nations ou nations qui redécouvrent leur identité ; les Kurdes depuis l’époque d’Ataturk, les Kabyles en Algérie les Sahraouis, sans parler des mille et une nations de l’Inde qui ne tolèrent pas le monopole qu’exerce, au nom de l’indianité, le Parti du

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