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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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pénétrer.
    Les données techniques ou politiques ne suffisent pas à expliquer que les Espagnols réussissent quelquefois à l’emporter à un contre cent. Une raison est que les Mayas et les Aztèques eurent le sentiment, devant les faits inouïs qui se produisaient, que les dieux ne leur parlaient plus. « Ils demandèrent aux dieux de leur accorder leurs faveurs et la victoire contre les Espagnols et leurs autres ennemis. Mais il devait être trop tard parce qu’ils n’eurent plus de réponse dans leurs oracles ; alors ils tinrent les dieux pour muets ou pour morts » (cité par T. Todorov). Or, les rois aztèques ne communiquaient qu’avec ces dieux, par l’intermédiaire de leurs prêtres-devins, pas avec les humains. Le principal message que Montezuma envoie aux Espagnols est qu’il ne veut pas qu’il y ait d’échanges de messages.
    Quand il entend les récits de l’arrivée des Espagnols, « il demeura comme s’il était mort ou muet. Il fait savoir qu’il est prêt à accorder aux Espagnols tout ce qu’ils veulent, mais qu’ils renoncent au désir de venir le voir, car les rois ne doivent jamais apparaître en public… Or, plus les Aztèques donnaient d’or et de bijoux pour que l’étranger parte — et plus l’étranger fasciné pénétrait dans le pays, voulait se saisir de leur roi… Habitué à communiquer avecles dieux, pas avec les hommes, le roi convoque ses prêtres et ses sorciers, qui ne peuvent pas ne pas avoir prévu cette conquête, cette défaite, perçue comme un événement surnaturel ». Seule manière, en un sens, d’intégrer le passé aztèque dans le présent.
    Le peuplement indien de l’Amérique en 1492

Source : Jean Meyer, L’Europe et la Conquête du monde , Paris, Armand Colin, 1975-1990, p. 104.
    Mais les Espagnols n’entreprirent pas une démarche équivalente vers les vaincus : en s’imposant par leur supériorité matérielle et technique, en ayant su communiquer avec des alliés, en les catéchisant, ils se privent de la capacité de s’intégrer au monde de ceux qu’ils appellent des sauvages.
     
     
    Au Pérou, on retrouve une conjoncture similaire. Le grand État quechua, ou Empire inca, une vraie mosaïque de peuples déplacés, regroupe ces éléments hétérogènes autour d’un centre situé à Cuzco ; cet empire est miné par des conflits internes, notamment entre les deux frères ennemis qui se disputent la souveraineté, Huascar et Atahualpa. Francisco Pizarre, qui rêve d’imiter les exploits de Cortez, procède de la même manière que son héros. Parti de Panama, il affrète avec Diego de Almagro deux navires pour explorer ces pays du Sud qui, dit-on, possèdent de fabuleuses richesses. Avec une douzaine d’hommes, il atteint l’emplacement actuel de Guayaquil, puis, s’informant sur la nature de l’État inca, il s’en retourne à Panama pour préparer la grande expédition qu’il projette, une fois obtenue l’autorisation de Charles V.
    L’expédition s’ébranle en 1532, au moment où Atahualpa a triomphé de son frère Huascar. Francisco Pizarre rencontre l’armée inca à Cajamarca et entreprend des pourparlers avec son chef. Son idée : le faire prisonnier par surprise, comme Cortez avait procédé avec Montezuma. Le coup réussit, et, sachant la soif d’or des envahisseurs, Atahualpa, dans sa prison, offre de payer, en rançon, tout l’or contenu jusqu’à hauteur d’homme dans la pièce où il se trouvait. Pizarre accepte, et une fois la rançon versée, il fait exécuter Atahualpa, pour le crime qu’il a lui-même commis en faisant tuer son frère.
    La mort d’Atahualpa, brûlé vif en grande cérémoniedevant les soldats, allait s’inscrire dans les mémoires. Comme celle de Montezuma, elle devait manifester le transfert de pouvoir entre les mains des Espagnols. Déjà Pizarre avait raflé en or et en argent l’équivalent de cinquante années de la production européenne. Il comptait que l’État inca continuerait ainsi à lui fournir des métaux précieux. Mais il fallait pour cela contrôler tout le pays, et l’Empire inca ne s’effondra pas d’un coup, tel celui des Aztèques, même après la chute de Cuzco (1533). Pizarre mit à la tête de l’État le demi-frère d’Atahualpa, Manco Inca ; or, celui-ci profita des dissensions qui opposaient Pizarre et Almagro pour tenter de soulever son peuple. Par ailleurs, en installant sa capitale à Lima, sur la côte, Pizarre perdit le

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