Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
contact avec le cœur du pays, ce qui retarda l’achèvement de la conquête.
L’Empire des montagnes ne fut vaincu qu’en 1572 ; avec la mort de Tupac Amaru II, un dernier « Inca », en 1781, son souvenir est resté vivant, lui aussi, dans la mémoire indienne, comme la mort d’Atahualpa.
Les empires centralisés étaient tombés d’un coup : en se saisissant de leur tête, Cortez et Pizarre avaient pu contrôler tout l’édifice, même si, au Pérou, la résistance armée dura encore un demi-siècle. Au Mexique, le Yucatan des Mayas résista plus longtemps, sans doute parce que l’effort pour le conquérir fut moindre — il n’était pas aussi riche. La même désillusion, des difficultés plus grandes encore marquèrent l’aventure de Diego de Almagro, qui s’était séparé de Pizarre, et celle de Pedro de Valdivia lorsqu’ils cherchèrent à conquérir le sud du Pérou, puis le Chili. Ils se heurtèrent aux Mapuches puis aux Araucans qui, certes, n’avaient pas constitué un État centralisé, mais n’en étaient pas moins des guerriers redoutables, qui surent incontinent se saisir des chevaux des Espagnols et les utiliser, au moins pour battre les premiers l’armée de Valdivia à Tucapel, en 1553. Les conquérants s’installèrent néanmoins, peu à peu, mais l’or était rare, l’argent aussi, et ils devinrent fermiers, un peu comme les ranchers dans les colonies anglaises du Far West. Leur chance fut que laposition stratégique du Chili était telle, près du cap Horn, que le roi dut constamment leur envoyer les renforts dont ils avaient besoin.
Le Rio de la Plata fut le troisième point d’ancrage des conquérants espagnols. Il fut découvert par Juan Diaz de Solis qui cherchait le mythique passage entre l’Atlantique et le Pacifique. Cette immense embouchure d’eau douce fut remontée, en 1527, par Cabot qui y installa le fort de Sancti Spiritus. Il atteignit le Paraguay, découvrit que l’argent des Indiens de ces régions venait du Potosi, au Pérou ; cet estuaire du Parana et de l’Uruguay fut dénommé Rio de la Plata.
Mais, lorsque la Couronne espagnole lança, en 1533, une grande expédition de conquête militaire sous la direction de Pedro de Mendoza, celui-ci, qui fonda Nuestra Senora del Buenos Aires, se heurta, plus au nord, aux Indiens Guaranis qui, eux aussi, entendaient conquérir les hauteurs de la Bolivie et du Paraguay actuels, autour de la côte d’Asuncion, créée ces années-là. C’étaient de rudes guerriers, maîtres du lasso, et les pertes qu’ils infligèrent aux Espagnols furent considérables. Dans leur avancée, les Guaranis avaient repoussé, venant de l’est, des tribus arawaks, et, après avoir conquis un des lambeaux de l’ex-Empire inca, ils se heurtèrent aux Espagnols ; deux conquérants se trouvaient ainsi face à face ; pour mieux résister aux étrangers, un retournement d’alliances s’effectua, qui vit des tribus indiennes s’unir sous l’égide des Chiriguanos, les plus actifs des Guaranis. Les Espagnols durent encore monter de difficiles expéditions pour triompher de ces Indiens, mais il fallut plus d’un siècle pour que la route de Buenos Aires à Lima, par le Paraguay, fût vraiment contrôlée.
Ces immenses espaces conquis (auxquels se joignirent bientôt les Philippines) ont été réunis à la Couronne d’Espagne par une poignée d’hommes ; marins andalous et basques, conquistadores issus de la petite noblesse, ces hidalgos désargentés, ou encore soldats de fortune qui ont pu servir en Italie et se sont lancés à l’aventure. L’exemple de la conquête du Chili est significatif. Pedro de Valdivia dispose de 143 hommes, dont 4 caballeros, 34 hidalgos,6 métis, 1 esclave, 9 hommes « d’honneur », et 86 individus dont on ignore la condition. Le plus grand nombre vient d’Estrémadure, les autres de Castille surtout. Quand on confronte ce petit nombre, qui finit par atteindre entre 50 000 et 100 000 personnes un siècle après la conquête, aux millions de morts que leur venue a suscités, à cet effondrement démographique de la population indigène qui serait passée de 11 millions à moins d’un million, on observe nécessairement que, jamais dans l’histoire, si peu d’hommes ont fait autant de victimes, que ce soit volontairement — par des massacres — ou autrement.
On comprend, dans ces conditions, que l’Espagne chrétienne ait pu sécréter une autre race
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