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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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Rey, qui devait délimiter le Nigeria du Kameroun, n’était qu’une indentation de la côte… Les sphères d’influence étaient définies de façon vague, et, en échange de ce que l’Allemagne abandonnait en Ouganda et en Zanzibar, elle recevait la petite île d’Heligoland au large de la mer du Nord, « trois royaumes contre une baignoire » (Carl Peters). Il est vrai que, pour Bismarck, ce qui comptait était l’Europe, et en 1890 il veut se concilier la Grande-Bretagne. Et puis, juge son successeur Caprivi, « les royaumes étaient à conquérir, la baignoire n’avait qu’à entrer dans la salle de bains ». Mais les nationalistes allemands sont furieux.
    Le premier accord franco-anglais de 1890 sur le Tchad portait les mêmes stigmates, imprécision des frontières, ignorance des autorités indigènes : « Les deux gouvernements admettent qu’il y avait lieu, dans l’avenir, de substituer progressivement aux lignes idéales qui ont servi à délimiter la frontière un tracé déterminé par la configuration naturelle du terrain, par des points exactement reconnus. »
    Ce fut la rivalité navale anglo-allemande, au tournant du siècle — un des aspects d’une confrontation pour la domination du monde —, qui aida à la solution d’une crise franco-britannique, née à la suite de la mission Marchand, vers le Bahr el-Ghazal et le haut Nil. L’opération avait été conçue par le résident de France à Djibouti, Léonce Lagarde, avec la complicité de l’empereur d’Éthiopie, Ménélik, qui venait de triompher des Italiens venus occuper l’Abyssinie, à la bataille d’Adoua (1896). Pendant quele capitaine Marchand partirait du Congo, l’explorateur Bonchamp le rejoindrait, en venant de l’est, depuis Djibouti. Mais, tandis que Marchand atteignait bien Fachoda, en 1898, Bonchamp, arrivé pas loin un peu plus tôt, avait dû, épuisé, s’en retourner. Cependant, alertés par le tintamarre autour de ce projet « du Soudan à Djibouti », les Anglais déclarèrent qu’ils s’y opposeraient, et Kitchener, avec 25 000 hommes, après avoir battu les mahdistes du haut Nil, s’empara de Fachoda avec 3 200 hommes « au nom de l’Égypte ». Les opinions publiques s’enflammèrent en Angleterre comme en France, et, pour Guillaume II, cela devenait « intéressant ». Mais Delcassé reconnut qu’il n’avait que « des raisons, face à des soldats », et, comme les Anglais ne souhaitaient pas non plus la confrontation, au contraire, puisqu’il fallait faire front contre l’Allemagne, un accord se conclut. Marchand reçut l’ordre de se retirer et la France ressentit l’humiliation. De fait, selon l’accord de 1904, elle perdit Bahr el-Ghazal mais gagna en échange l’Oubangui-Chari et le Sahara que devait « pacifier » le commandant Laperrine d’Hautpoul.
    On s’était partagé l’Afrique, il restait à la conquérir.
    L ES   NOUVEAUX CONQUÉRANTS
    Loin d’être des trognes à épée, la plupart d’entre eux se veulent les porteurs d’un grand dessein. Ils ont beau passer des populations entières au fil de l’épée — tel Gallieni à ses débuts — ou les faire brûler vives — tel Bugeaud en Algérie —, ces actions ne constituent à leurs yeux que les moyens nécessaires à la réalisation du projet colonial, cette mission civilisatrice qui prend la relève de l’évangélisation chère aux conquérants du XVI e  siècle.
    Ils se veulent les héros solitaires de cette grande œuvre qui les distingue de la vie médiocre qu’ils auraient menée en métropole. Cette ambition, on en voit mieux le profil en constatant qu’elle n’obéit pas à des motifs intéressés ou subalternes : la plupart d’entre eux sont d’extraction aisée — Faidherbe et Pavie sont l’exception, officier pauvre le premier, et postier le second. Mais les autres sont hommes de haute lignée et de culture. Bugeaud, Brazza, Laperrine,Selkirk, Serpa Pinto appartiennent à des familles titrées ; Gallieni, Carl Peters, Lyautey, Wakefield, Milner sont respectivement fils d’officier, de pasteur, d’ingénieur, d’avocat, de médecin — ce n’est pas le besoin qui les guide.
    Comme les révolutionnaires russes, ils constituent une sorte d’intelligentsia. Au reste, tous ont écrit ou fait des recherches en sciences sociales. Pavie est un ethnologue, Bugeaud un polémiste, George Grey un bibliophile ; Cecil Rhodes part en campagne avec Aristote et Marc Aurèle

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