Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
(français) devait être le ministre des Affaires étrangères. Le protectorat dépendait ainsi, en métropole, non pas du ministre de la Marine, mais du Quai d’Orsay. La fiction de la Tunisie État étranger et « souverain » était accentuée.
Dans le cas tunisien, les rivalités des puissances ne s’étaient guère manifestées, parce que l’expansion française s’opérait loin des zones visées par les Anglais — ou les Allemands, l’Italie seule faisant vraiment obstacle. La Grande-Bretagne était demeurée les yeux mi-clos, et au même moment la France s’effaçait en Égypte, après que la rivalité eut menacé d’être vive, surtout dans ce pays où explose un nationalisme arabe en pleine effervescence.
Dans le cas marocain, la conjoncture tunisienne se retrouve, avec deux différences toutefois. D’abord encouragée par l’Allemagne, la France voit la situation changer lorsque le Kaiser adopte une attitude différente parce que, entre les années quatre-vingt et le tournant du siècle, ses ambitions deviennent d’autant plus impérieuses que le partage de l’Afrique l’a laissé insatisfait. En menaçant la France, il teste l’Entente cordiale. La mise en tutelle du Maroc nécessite ainsi une trentaine d’années. Autre différence, il apparaît qu’en France les intérêts économiques et financiers « en dernière analyse imposent leur volonté àl’État — alors qu’en Tunisie ils n’en avaient pas encore les moyens » (J. Thobie).
Jusqu’en 1906 environ, les groupes financiers, Schneider et la Banque de Paris et des Pays-Bas surtout, procèdent comme en Tunisie : ils prêtent de l’argent au Sultan, prennent le contrôle des finances du pays, s’ouvrent des marchés, etc., tandis que les diplomates nettoient le terrain pour que place nette soit faite à l’intervention française. Delcassé suit de près l’aspect financier des choses, jugeant que les avoirs de Schneider sont insuffisants pour satisfaire aux exigences virtuelles du Sultan : il mise ainsi sur la Banque de Paris et des Pays-Bas, le capital financier menant le jeu. L’intérêt des banques françaises tend alors à se confondre avec la politique du gouvernement. Envers le Sultan, leurs conditions sont draconiennes, et d’aucuns pensent qu’une occupation militaire sera la meilleure garantie des prêts consentis. Le Comité de l’Afrique française subventionne même le général Lyautey pour que, depuis l’Oranie, il achète le concours de chefs des oasis de l’autre côté de la frontière : Colomb-Béchar, Figuig, Berguent… « J’avance comme une vrille », commente Lyautey qui, en Algérie, est soutenu par le gouverneur Jonnart.
En Algérie, en effet, on se rappelle que l’intervention du Sultan, en 1844, avait aidé Abd el-Kader à se défendre contre la France et que, malgré une défaite militaire, elle avait limité l’extension du territoire de l’Algérie vers l’ouest : mais, là, les frontières n’étaient pas fixées vraiment — on avait plutôt défini l’obédience des tribus, Maroc ou Algérie, au traité de Lalla Marnia, pas une ligne territoriale de partage. Ce qui autorisait toutes les chicanes ; après 1960, elles ont survécu à l’indépendance de ces deux pays…
Or, on avait l’idée que, dans ces régions, de riches mines de phosphate étaient sous roche.
Depuis 1880, à la conférence de Madrid, la France avait dû accepter l’internationalisation de la mise en valeur du Maroc : l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Allemagne. Delcassé détourna l’Angleterre en lui laissant les mains libres en Égypte ; à l’Espagne, on laissa la liberté d’occuper le Rio del Oro. Il restait l’Allemagne.
Avec elle, le conflit s’anime avant 1906, date de la conférence d’Algésiras ; il s’exaspère en 1911, lorsque Guillaume II place une canonnière en face de la cité d’Agadir. Le passage de Guillaume II à Tanger assura à l’Allemagne, pour un demi-siècle, la sympathie des Arabes, le Kaiser incarnant la puissance sans colonies qui s’oppose à l’appétit des impérialistes français et anglais.
E XACERBATION DES RIVALITÉS COLONIALES À L ’ ÂGE IMPÉRIALISTE
Vers la fin du XIX e siècle, les interférences entre les groupes financiers et industriels en voie de développement, d’une part, et chaque État, d’autre part, aiguisent les rivalités entre nations industrielles, qui veulent placer leurs produits ou leurs
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