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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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dans son paquetage ; Saint-Arnaud lit L’Imitation de Jésus-Christ , Lyautey lit autant que Lénine — ce grand dévoreur de brochures et de textes —, mais il lit Baudelaire, Barrès et Bourget plus que les traités militaires. Sa devise est un vers de Shelley : « La joie de vivre est dans l’action. »
    André Gide, dans son Voyage au Congo , s’étonnait de la rudesse méprisante avec laquelle les coloniaux s’adressent aux colonisés : elle s’explique par la solidarité de couleur et la haute vision qu’ils ont d’eux-mêmes, excluant toute relation avec l’autre qui pût être égalitaire.
    La difficulté surgit de ce qu’ils plantaient leur drapeau au nom des droits de l’homme, de l’égalité justement, de l’ Habeas Corpus et de la liberté, sans voir nécessairement qu’ils violaient leurs principes d’action.
    Ces considérations, pourtant, n’avaient pas toujours prise sur tous.
     
    Bugeaud en est le meilleur exemple. Toute sa vie, il exprime sa haine de hobereau pour toutes les nouveautés sociales et toute expression de la pensée libre. Ce monarchiste actif vitupère l’instruction qu’on proposait de donner au peuple, et il le fit savoir à Thiers : « La nation ne peut vivre que par un travail très dur qui ne laisse aux hommes des champs ou des fabriques ni loisir ni force pour l’étude »… Ailleurs, il écrivait : « Envoyez-moi les idéologues en Afrique où je reste, pour les faire tuer. Ce serait là bien servir le pays. » La société, selon lui, reposait sur quatre piliers : travail, famille, patrie et religion. Il fallait éliminer quiconque pensait autrement.
    En Algérie, il triompha d’Abd el-Kader à la bataille de laTafna ; mais, sûr de lui, il ne contrôla pas le texte en arabe de la convention qui accompagnait la fin des combats. Or, celui-ci reconnaissait à l’émir sa domination sur toute l’Algérie. De bonne grâce, ce dernier accorda au général, au reste hostile à l’occupation de tout le pays, les 100 000 boudjous (180 000 francs) que celui-ci demanda à l’Arabe… en bakchich : pour les chemins vicinaux de Dordogne et pour ses officiers. Le scandale ne fit que le rendre, encore plus populaire auprès de ses hommes. Il s’occupait d’eux comme pas un, et le bien-être du soldat était son premier souci. En échange d’une discipline de fer, il les laissait ensuite piller, violer, s’amuser… Et au combat, ne les quittait jamais ; de là naquit le célèbre refrain : « L’as-tu vue, la casquette, la casquette ? l’as-tu vue la casquette du père Bugeaud ? » « Jamais chef d’armée n’a pu, grâce à sa bienveillance et son autorité morale, obtenir autant de ses soldats que le général Bugeaud : il les aurait menés au bout du monde, il les aurait fait se jeter dans le feu » (C.-A. Julien).
    Militairement, il décida de s’appuyer sur de gros forts et d’utiliser la razzia pour amener l’ennemi à demander l’ aman , le pardon de la soumission.
    « En Europe, nous ne faisons pas seulement la guerre aux armées, nous la faisons aux intérêts… nous nous saisissons du commerce des douanes et ces intérêts sont forcés de capituler… Il n’y a à saisir en Afrique qu’un intérêt, l’intérêt agricole… Il est plus difficile à saisir qu’ailleurs, car il n’y a ni villages ni fermes. J’y ai réfléchi bien longtemps, en me levant et en me couchant : eh bien, je n’ai pu découvrir d’autre moyen de soumettre le pays que de saisir cet intérêt. »
    Bugeaud mit ainsi le pays à feu et à sang et, en 1842 par exemple, il fit tout brûler entre Miliana et Cherchell. « On ne se bat pas, on incendie », écrit de son côté Saint-Arnaud. « On brûle tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes… Que de femmes et d’enfants, réfugiés dans les neiges de l’Atlas, y sont morts de froid et de misère… On ravage, on pille, on détruit les maisons… les feux qui brûlent encore m’indiquent la marche de la colonne… » Bugeaud couvrit de son autorité le généralPélissier qui enfuma un millier d’Arabes dans les grottes de Dahra en 1845.
    Il avait fini par vaincre Abd el-Kader, il avait triomphé du fils du sultan du Maroc venu à son secours (bataille de l’Isly, 1844) et ne voulait rien savoir des mises en demeure de Paris, épouvanté par l’écho de ces dévastations.
    Bugeaud inaugura cette tradition : un général, outre-mer, doit agir à sa guise, sans

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