Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
capitaux. La colonisation devient une des formes de cette expansion, mais elle apparaît comme la plus sûre dans le processus d’accaparement de territoires. Elle n’est pas jugée pour autant être la plus avantageuse dans tous les cas, et, par exemple, en France, l’expansion économique et financière, entre 1870 et 1914, s’exerce prioritairement hors de l’Empire colonial : dans l’Empire ottoman essentiellement, avant 1882, en Russie surtout, après 1891. Ce qui n’exclut pas l’idée, à long terme, ou si l’occasion s’en présente, d’une domination de caractère semi-colonial : en attestent la crise égyptienne de 1881-1882, celle des finances tunisiennes en 1882, le partage de l’Empire ottoman en 1918 et le projet de division de la Russie en « zones d’influence » pendant la guerre civile russe et l’intervention étrangère (1918-1920).
S’il n’existe pas de corrélation absolue entre l’installation politique de la France outre-mer et la courbe du commerce français, au moins observe-t-on une corrélation inverse entre la part des exportations avec l’Empire et le recul des exportations totales.
Ainsi, tout comme l’expansion aux colonies devient pour la France une compensation à ses échecs après 1871, elle est également une sécurité de caractère économique et joue, là encore, le rôle d’une compensation.
P ARTAGE DE L ’ A FRIQUE NOIRE
Suscitée par les conflits autour du Congo que se disputaient le roi Léopold, à titre privé, Stanley son agent, et Brazza au nom de la France, la conférence de Berlin fut, de fait, organisée par Bismarck qui voulait confirmer son rôle d’arbitre dans les conflits internationaux, mais participer aussi désormais à la curée.
La France avait obtenu un droit de préemption ou de préférence sur le Congo pour le cas où l’ Association de Léopold l’abandonnerait ; mais la Grande-Bretagne et le Portugal protestaient contre cette extension des prétentions françaises qu’avait illustrée la signature du traité Makoko, ratifié en grande pompe à la Chambre des députés, une première. Le Portugal invoquait ses droits « historiques ». D’un côté, en effet, depuis la perte du Brésil, la conscience nationale exacerbée de certains milieux portugais jugeait nécessaire la renaissance d’un Empire qui n’avait cessé de se rétrécir ; de l’autre, une reprise économique à Sao Tomé et en Angola, accompagnée d’une grande dépression au Portugal, de 1873 à 1896, comme dans toute l’Europe d’ailleurs, constituait un appel à l’action qui réanima une sorte de micro-impérialisme, à l’origine d’une ruée nouvelle vers l’Afrique. Celle-ci se manifesta avec force à la conférence de Berlin et permit au Portugal d’obtenir une part de dépouilles, grâce à d’anciennes positions établies, mais hors de proportions avec la puissance du pays. Il est vrai qu’Anglais et Allemands préféraient voir les possessions portugaises s’agrandir vers l’intérieur plutôt que de laisser la France s’étendre à l’infini : et c’est ce qui se passa en Angola et au Mozambique.
Quatorze puissances participèrent à la conférence de Berlin (1884-1885) qui, pour l’essentiel, établit une sorte de « gentleman’s agreement » ; les puissances européennes s’engageaient chacune à ne plus procéder à des acquisitions sauvages sans le notifier aux autres, pour leur permettre de faire des réclamations. Les peuples ou rois africains, considérés comme resnullius , n’étaient même pas consultés ni informés de toutes ces discussions.
L’Afrique politique précoloniale X e - XVI e siècle
Source : Catherine Coquery-Vidrovitch,
Afrique noire , Paris, Payot, 1985, p. 90.
Le principal bénéficiaire fut bien Léopold, dont le titre de souverain propriétaire du Congo fut reconnu de tous, ce qui l’autorisa, jugea-t-il, à y intégrer le Katanga. En vertu de son droit de préférence, la France laissait faire, espérant plus tard recueillir le magot, qu’en fait l’État belge reçut en héritage en 1908.
A la suite de cette conférence, les principales puissances européennes qui visaient des territoires se ruèrent sur eux, quitte à conclure — entre Européens — des accords de délimitation de frontières ; celles qui ont survécu jusqu’après l’indépendance des États africains, un siècle plus tard. La Grande-Bretagne en signa une trentaine avec le Portugal, 25
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