Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
en plus nombreux, ce qui créait des incidents avec les Boers. Les Uitlanders devinrent une sorte de cheval de Troie à Johannesburg, dès que Frankie Rhodes, un des frères de Cecil, administrateur des Goldfields, devint un de leurs chefs. Impatients de voir Kruger céder à leur passion, les deux frères Rhodes et Jameson préparèrent un coup de main qui échoua lamentablement : ce fut l’écroulement de Cecil Rhodes.
Cet échec spectaculaire ne le découragea pas pour autant : il réalisa alors pour partie son projet de chemin de fer du Cap… au Caire, qui, au moins, du Cap atteignit Bulawayo. Surtout, il retourna complètement sa position, et, pour se venger des Boers, il se fit le défenseur des droits des Noirs, ému, dit-il, par le sort qui leur était fait depuis qu’avait été réprimée la grande révolte des Matabélés…
Au lieu de la formule « égalité des droits pour tous les hommes blancs du sud du Zambèze », il proclama « l’égalité des droits pour tout homme civilisé… blanc ou noir, pourvu qu’il ait une instruction suffisante, qu’il ait une propriété ou un métier, en un mot qu’il ne soit pas un fainéant ».
« La colonisation a pour but d’enrichir sans scrupule et avec décision notre propre peuple, aux dépens d’autres peuples plus faibles. » En affichant publiquement son programme, la Deutsche Ostafrikanische Gesellschaft de Carl Peters ne prétendait pas à l’hypocrisie civilisatrice. Fulgurante, l’épopée de son fondateur se termina mal. Elle n’en eut pas moins pour effet de donner à l’Allemagne sa plus belle colonie, le Tanganyika d’hier, la Tanzanie d’aujourd’hui… Fasciné par la puissance anglaise, jaloux de ses succès, il juge, tel Bismarck, en 1848, parlant de l’assemblée de Francfort, que la Ligue coloniale allemande Deutsche Kolonialverein n’« était qu’une assemblée de bavards ». Pour sa part, Carl Peters veut fonder unecolonie — seul, s’il le faut. Sur son atlas, les taches blanches de l’Afrique orientale l’obsèdent, et, lors d’une partie de billard, il confie au camérier de Guillaume I er , Felix Behr-Baudelin, qu’il compte entrer en campagne et fonder la Gesellschaft für deutsche Kolonizazion , avec 24 souscripteurs (1884).
Son idée fixe : s’installer avant que d’autres États — la Belgique, l’Angleterre, etc. — aient pu repérer ces vastes espaces qui sont en face de Zanzibar. Dans ces régions, « de l’Allemagne, les indigènes ne connaissaient même pas le nom… Si l’Angleterre n’y était pas installée, c’est qu’elle croyait y être déjà : le canal de Suez semblait une entreprise anglaise, la mer Rouge un lac anglais, le commandant des troupes du sultan de Zanzibar était anglais ; des croiseurs anglais le tenaient sous leurs canons » (M. Baumont, in Les Techniciens de la colonisation) .
Mais, de ce côté-là, l’Angleterre n’était pas passée sur le continent.
Se faisant nommer consul d’Allemagne à Zanzibar, Carl Peters débarque ainsi, nuitamment, sur la côte d’en face avec 4 Blancs, 5 Noirs, un interprète, un cuisinier et 36 porteurs. Avec lui, de la bimbeloterie, des étoffes, des vieux dolmans de hussard.
L’important était d’échapper au regard du sultan, de pénétrer profond dans les terres, d’échanger quelques dolmans contre de l’espace. Douze traités furent passés avec des chefs indigènes : Peters offrit ainsi 150 000 km 2 à son empereur. « Je sais que ces accords sont une fiction, dit Peters, mais les autres ont-ils agi autrement ? »
Deuxième expédition, militaire cette fois, dès que le sultan de Zanzibar, ayant appris cela, fait mine de protester. Bismarck avait fait savoir que la protection des citoyens allemands était sacrée : 8 bâtiments de guerre, sous les ordres de l’amiral Knorr, appuyaient cette affirmation qui valut la cession, en bonne et due forme cette fois, de Dar es-Salaam.
Les Allemands n’étaient plus que trois, puis plus que deux, l’un étant mort des fièvres, l’autre tué dans le Nord…
Bientôt Carl Peters se lançait au secours d’un autreAllemand, Edward Schnitzler, qui s’était attribué le titre d’Emin Pacha et marchait vers le lac Victoria… Mais, en 1890, on a vu les Anglais conclure avec le Kaiser un traité qui en échange d’Heligoland cède Zanzibar et l’Ouganda. L’État reprenait à la Deutsche Ostafrikanische Gesellschaft tous les droits
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