Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
navigation sur la côte nord-est du Pacifique jusqu’au 51° degré de latitude nord », autrement dit la Californie. Inquiet, le président des États-Unis lança un message, connu sous le nom de « doctrine de Monroe », en 1823, disant que les puissances européennes ne devaient pas essayer d’étendre leur influence sur n’importe quelle partie des Amériques… « Nos continents ayant acquis leur autonomie, leur indépendance, et prétendant la maintenir ne doivent plus à l’avenir être présumés susceptibles de devenir jamais colonies d’une puissance européenne quelconque. »
Simultanément, la Caucasie s’était opportunément ouverte aux Russes, quand le roi de Géorgie abdiqua en faveur du tsar pour que son pays ne passe pas aux mains des Persans, musulmans. Une fois, deux fois, les Persans réagirent, mais le général Paskievitch imposa la paix de Toukmandchaï (1828) qui rapporta au tsar un morceau de l’Arménie persane. En guerre aussi avec les Turcs, le tsar remporta de grands succès, toujours grâce au général Paskievitch, et, à la paix d’Andrinople, l’Arménie turque était rattachée à l’Empire des tsars (1829)
Sur le moment, les puissances occidentales ne virent pas que ces changements modifiaient l’équilibre de toute une partie de l’Orient, au moment où l’Empire ottoman perdait la Grèce, et bientôt l’Égypte. Mais, selon les constatations du consul de France à Trébizonde, le tsar avait multiplié les artifices pour dissimuler ses projets de conquête. Ainsi, dans le traité d’Andrinople, le nom de l’Abkhazie était à peine mentionné, alors que la Russie cherchait à annexer cette nation depuis près de huit ans, et qu’elle l’annexa de fait, ainsi qu’une partie de la Circassie. C’est à partir de 1830 que les Russes se heurtèrent à la résistance de l’imam Chamil, qui devait durer jusqu’en 1859.
Sa lutte, en Daghestan, rappelle celle d’Abd el-Kader en Algérie, un parallèle qui est venu à l’esprit du journal Le National , en 1844, de Woeikov le géographe en 1914, de l’historien Gammer en 1991. Les deux situations sont en effet similaires, avec des agresseurs qui viennent de laplaine et se heurtent à un continent de montagne. Ceux-ci hésitent sur la manière de s’y prendre. Comme Desmichels en Algérie, von Klugenau, au nom du tsar, imagine de négocier. En s’entendant avec l’adversaire, au moins, on lui soustrait la plaine ; mais on le consolide dans ses montagnes, quitte à le soutenir face à ses rivaux. Et puis, une conquête totale coûte cher en hommes — et on n’en voit pas la nécessité. De sorte que les Russes et Chamil purent reprendre des forces avant de rompre la « paix des braves » conclue au Caucase — comme en Algérie, au même moment. Victoire russe difficile dont l’autocratie allait s’emparer à Saint-Pétersbourg, avec la légende rose en l’honneur de Chamil, comme à Paris celle qui glorifia le courage d’Abd el-Kader.
Cette gloire de Chamil, « qui produit un effet électrique sur les habitants de ces contrées » (cité in M. Lesure, CMRS XIX [1 et 2], alerte l’Occident sur les conquêtes de la Russie : « Les Princes de l’Europe devraient intervenir et ne pas laisser une puissance hostile à la liberté déployer son énergie pour la détruire au Caucase. » Car, en fait, c’est le tsar autocrate que condamnent les libéraux de Paris et de Londres — qui, eux-mêmes, à cette date, occupent l’Algérie et le Béloutchistan. « Saint-Pétersbourg craint que le libéralisme ne s’empare de la cause des Circassiens, comme il l’a fait pour les Grecs » ( ibid .). On mise sur Chamil et les Circassiens pendant la guerre de Crimée, mais la méconnaissance de ces régions est telle qu’on ne sait pas comment le joindre pour combiner une attaque avec lui contre les Russes. Mieux, on s’en informe auprès de la Porte, alors que les Turcs espèrent bien récupérer la région du nord du Caucase qui a été sous protectorat ottoman et l’Abkhazie, annexée par l’Empire des tsars.
Pour la première fois, le Caucase entrait ainsi dans « l’arène internationale » : à l’origine, un diplomate anglais, David Urquhart, avait publié, vers 1830, anonymement, une brochure en français et en anglais, L’Angleterre, la France, la Russie et la Turquie (qui eut trois éditions en Angleterre), où il dénonçait « l’envahissement progressif des côtes de la mer
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