Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
vicaire apostolique Pigneau de Behaine attendait que la France pût devenir le protecteur de ce pays (1787). Mais les événements d’Europe avaient détourné la métropole de cette entreprise, et les successeurs deNguyên-Ahn manifestèrent une haine féroce pour « la religion de Jésus », … « il faut jeter à la mer tous les prêtres européens de cette religion ».
Cependant, toujours au nom de la défense de la religion, les Anglais et les Français étant intervenus en Chine, Napoléon III prescrivit à l’amiral Rigault de Genouilly d’agir ensuite en Indochine : il bombarda Tourane, s’installa dans une partie de la Cochinchine et, en février 1859, occupa Saigon. Mais les marins français doivent y subir un long siège ; après un retour en force de l’amiral Chamer, l’empereur Tu Duc signa, en 1863, le traité qui cédait à la France les trois provinces de Saigon, My Tho et Biên Hoa. « Nous n’avons aucune intention de faire de la Cochinchine une colonie comme les Antilles ou la Réunion », avait déclaré Chasseloup-Laubat, ministre de la Marine… Les trois provinces occidentales devenant le cœur de la résistance annamite à la France, l’amiral de La Grandière les conquit à leur tour et l’empereur Tu Duc dut les céder. Simultanément, la France proposait au roi du Cambodge, Norodom, de le protéger contre l’Annam et le Siam, ce qu’il acceptait, non sans hésitation…
En vérité, trois forces animent l’intervention française en Indochine : le zèle évangélisateur, chronologiquement le premier, mais qui demeure actif pendant tout le XIX e siècle ; l’anglophobie de la marine incarnée par l’officier Francis Gamier, qui voudrait doter la France d’un empire colonial d’Extrême-Orient équivalant à celui de la Grande-Bretagne, qui, de Birmanie, pousse vers le Siam ; enfin, l’affairisme des milieux du textile et du trafic d’armes qui, animés par un homme d’affaires, Jean Dupuis, et les soyeux lyonnais, tel Ulysse Pila, veulent occuper le Tonkin, et plus encore contrôler le fleuve Rouge, voie d’accès, jugent-ils, vers le marché chinois, ce grand mythe du XIX e siècle. C’est dans ce contexte qu’à la suite d’incidents divers Francis Gamier prend Hanoi, en 1873, puis trouve la mort dans un combat contre les Pavillons Noirs, et que le traité de Philastre — son successeur — aboutit à la reconnaissance définitive, par Tu Duc, de la cession de la Cochinchine, d’un protectorat sur l’Annam, de trois forts dans Haiphong et de l’ouverture du fleuve Rouge.
« La pénétration au Tonkin est une question de vie ou de mort pour l’avenir de notre domination en Extrême-Orient », jugent les milieux marchands et les amiraux de Saigon. Et Gambetta, en 1872, voit le fleuve Rouge comme un autre Suez, « une voie pour le commerce général du monde ».
En vérité, devant l’opposition à l’expansion coloniale, « cette trahison », la III e République veut surtout prévenir un conflit avec la Chine qui demeure « protectrice » et suzeraine de l’Annam, mais les amiraux et les missionnaires poussent à l’action, notamment M gr Puginier qui répète que « le Tonkin est prêt à se jeter dans les bras de la France » : de fait, c’était par les missionnaires et leurs fidèles, vietnamiens, dont le nombre a grossi, que les Français étaient renseignés sur les dispositions et la situation de l’État annamite, de son armée, des Pavillons Noirs, cette sorte d’armée supplétive, à la fois autonome et liée aussi à la Chine. « L’abstention serait une imprudence », déclarait La Myre de Vilers, gouverneur de Cochinchine. D’incident en escalade, le commandant Rivière obtient d’être chargé de l’occupation totale du Tonkin, dont les richesses sont inventoriées à Paris, sur une carte distribuée aux députés par les amis de Jean Dupuis, qui vient de créer la Société des mines du Tonkin . Le commandant Rivière meurt, là même où Garnier avait succombé quelques années plus tôt. Il est ensuite décapité. Comme l’écrit Charles Fourniau : « La mort de Rivière recouvrait d’une réaction patriotique les grosses pépites de Dupuis. »
« Les vrais négociateurs avec les Chinois, écrivait Jules Ferry, alors chef du gouvernement, ce sont les beaux et bons canons. » Mais le gouvernement sous-estimait l’adversaire. Il pratiquait des envois « par petits paquets ». En fin
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