Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
une seule femme de vice-roi accompagna son mari. Il en alla de même des gouverneurs et des autres membres de leurs suites. Il fallut s’accommoder des interdits frappant les femmes non baptisées, car, en Kerala où les Portugais étaient établis, elles étaient les plus entreprenantes, disait-on, de toute l’Inde. Le vice-roi, don Francisco de Almeida, jugea que le plus simple était de faire baptiser les plus séduisantes. C’est ainsi que plusieurs générations de métis se formèrent, les femmes accompagnant leur homme à Macao, aux Moluques, etc.
La pratique des unions interraciales exista à tous les échelons de la population — au Brésil comme en Inde —, ce qui constitua un moyen de promotion sociale, les filles naturelles bénéficiant de dots et étant le plus souvent légitimées.
Or, tolérées au début de la colonisation, ces unions furent bientôt déconsidérées dans les classes les plus élevées tandis que tout un dispositif discriminatoire se mettait en place : mieux valait, pour un Portugais, épouser une Indienne — du Brésil ou de l’Inde — qu’une juive convertie ou une mulâtresse. Une réaction se manifesta, qui vint d’en haut, et l’on fit pression sur les filles créoles pour qu’elles perpétuent la pureté de sang…
On retrouvera plus loin une évolution similaire en Inde anglaise — ce qui remet en cause bien des stéréotypes sur les différents types de colonisation.
Dans l’histoire du métissage amérindien, le point important est que le groupe des métis n’a tendu à l’intégration et à l’assimilation qu’en rompant avec les Indiens purs ou avec les Africains purs, c’est-à-dire en formant un groupe à part.La politique qui consistait à créer des castes en établissant un système « pigmentocratique » (Mömer) a échoué parce que le processus engagé n’a cessé d’évoluer au point qu’à l’ancienne opposition Espagnol/Indien s’est substituée celle du hacendado péon, confondant le métis et le Blanc pur dans un groupe de ladinos , ces Indiens hispanisés, opposé aux Indiens. Le social interférait avec le racial.
Au Brésil, au contraire, les mulâtres ont constitué un stade intermédiaire. Pourtant, dès la fin du XIX e siècle et au XX e siècle, si le métissage permet toujours l’ascension sociale pour les plus foncés, on assiste à un enkystement, à un blocage dus à la résistance des métis « intégrés ».
Dans le vocabulaire, le système pigmentocratique a défini tous les croisements, tous les métissages avec ses variables : métis (Espagnol + Indien), castizo (métis + Espagnole), mulâtre (Espagnole + Noir), morisco (Espagnol- + mulâtresse), albino (morisca + Espagnol), torna atras (Espagnol + albina), lobo (Indien + torna atra), etc. Au Pérou, les termes ne sont pas nécessairement les mêmes ; on parle de quarteron, de quinteron, de zambo (Noir + Indienne), etc.
De toutes et de tous, c’est la femme noire qui a vu son statut se dégrader le plus, depuis les temps lointains de l’Afrique.
L E SORT DE LA FEMME ESCLAVE NOIRE PLUS AGGRAVÉ QUE CELUI DES HOMMES
Le sort des femmes noires s’est encore plus aggravé que celui des esclaves hommes 1 … Le thème du pouvoir des femmes noires dans l’esclavage est un écho de la jalousie éprouvée par les Noirs — ou par les femmes blanches, lorsqu’un Blanc abusait d’une femme noire ou la prenaitcomme concubine… Le contraste est net avec le sort inverse des femmes blanches — si tant est que la comparaison ait un sens.
Les émigrants d’origine européenne dans les possessions françaises des Caraïbes ne sont qu’en très petit nombre : ainsi, entre 1695 et 1915, pour 6 200 départs d’hommes depuis La Rochelle et 1 900 de Dieppe, on ne compte que 90 femmes. Les seules femmes présentes sont les épouses et filles des maîtres de case, puis les filles nées aux îles. Les femmes vivent aussi dans une plus grande liberté qu’en métropole, accompagnant leur mari dans leurs visites par exemple, un fait qui au XVII e siècle est rare en France… Épouses blanches, concubines noires, le fait est fréquent certes, les femmes blanches se vengeant comme elles peuvent d’un affront fréquemment commis. Leur mari souvent absent, elles exercent durement leur pouvoir.
Mais le destin des concubines, puis des mulâtresses, mis à part, le sort de la masse des femmes noires esclaves ne cesse, lui, de se
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