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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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38 000 Blancs vers 1570 — qu’on leur interdit les armes européennes, les chevaux et l’accès au sacerdoce. Ils furent bientôt rejetés à la fois par les créoles et par les Indiens… Le taux d’enfants illégitimes déclarés atteignait 40 % au XVI e  siècle, et montait jusqu’à 69 % entre 1640 et 1649, pour les Noirs et les mulâtres.
    En métropole, la réaction est sévère : il fut interdit aux femmes célibataires de s’embarquer, ainsi qu’aux hommes mariés de partir sans leurs épouses… Dès le XVII e  siècle, 60 % des Andalous qui embarquaient le faisaient en famille… C’est le Mexique qui attire le plus les gens d’Estrémadure et d’Andalousie — qui fournissent près de 90 % des partants — suivi par le Pérou. Les liens subsistent avec les parents demeurés au pays, que quelques-uns perpétuent ; puis ces liens se distendent, à moins qu’on attende une manne venue du Pérou… Ainsi survit la légende de l’oncle d’Amérique.
    En Amérique du Sud, le trait frappant est bien la différence essentielle qui existe entre la colonisation espagnole et celle des Portugais. Dès les origines, la Couronne de Castille avait encouragé le départ de femmes espagnoles aux Amériques : il en était parti déjà 30 au troisième voyage de Christophe Colomb. Avec leurs servantes, elles contribuent à l’expansion de la civilisation espagnole. Les lois de succession leur donnent un droit à l’héritage, ce qui accroît leur autorité quand elles sont filles uniques. De ce fait, les mariages interraciaux sont rares, même si lesliaisons des Espagnols avec des Indiennes sont fréquentes. Le souci du limpia sangre demeure très vif, au moins pour pouvoir accéder aux plus hautes charges, et cette pureté de sang est observée autant qu’il se peut, là où ces charges s’exercent, à Lima et à Mexico essentiellement.
    C’est évidemment dans ce contexte que la hantise du viol par un Indien, ou par un Noir, devient une obsession ; comme il le fut ultérieurement pour les Européennes d’Afrique du Nord.
    Pourtant, le dossier des procès plaidés au XVIII e  siècle devant le Real Audiencia de Mexico témoigne que les agresseurs sont, dans seulement un cas sur deux, des Indiens, et pour plus d’un quart des Espagnols, ce qui ne semble pas justifier le stéréotype. En revanche, les plaintes concernent essentiellement des agresseurs et des victimes appartenant aux classes populaires — les notables étant rares : est-ce qu’ils réussissaient à éviter les procès ? La configuration ethnique des viols éclaire sur leur signification réelle. Les agressions de loin les plus nombreuses sont celles des Indiens contre les Indiennes, alors que les Espagnols n’agressent les femmes de leur pays que très rarement. Ainsi est-ce la femme indienne qui subit le double refoulement des hommes indiens ; tandis que, pour l’agresseur espagnol, qu’ils imitent, il y a les excès du comportement d’un vainqueur : or, dans les deux cas, il y a défi autant que besoin, car la moitié des agresseurs sont mariés (F. Giraud).
    La différence entre la politique espagnole et celle des Portugais est bien que celle-ci laissa les hommes s’établir seuls outre-mer (les femmes portugaises n’étant nombreuses qu’au Maroc et aux Açores). De sorte qu’au Brésil le concubinage et les mariages interraciaux favorisèrent l’insertion des métis, puis des mulâtres dans la société coloniale. Éblouis par la beauté des femmes indiennes, les Portugais au Brésil étaient déjà fortement métissés ; l’amante de couleur noire prit bientôt la relève de l’Indienne, incorporant aux habitudes des Portugais de nombreux traits culturels africains. On a parlé d’une intégration raciale « voluptueuse ». Ainsi a-t-on pu dire que le Portugais avait conquis le monde non par le glaive etla croix, mais par le sexe — ce qui est sans doute excessif, car les deux autres instruments de domination n’ont jamais été très éloignés. Avec le temps, au Brésil, la mulâtrisation devint aussi une forme de défense des fondateurs du pays — les Brasileiros de quatrocentos anos  —, c’est-à-dire les « vrais » Brésiliens, face aux immigrés, purement blancs — Italiens, Allemands surtout — pour mieux marquer l’identité de la nation.
    Le caractère exclusif de l’émigration masculine marque aussi le peuplement portugais en Inde. Sur deux siècles, de 1549 à 1750,

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